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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/512

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Ceux-là bénissent-ils Dieu ? Quand même ils le béniraient, leurs bénédictions seraient-elles acceptées, puisqu’il est écrit : « La louange n’est pas bonne dans la bouche d’un pécheur[1] ? » Tu nous dis donc, ô saint Prophète : « Le Seigneur est grand et souverainement digne de nos louanges ». Mais dis-nous, en quel endroit le faut-il bénir ? « Dans la cité de notre Dieu, sur la montagne sainte ». Il est dit ailleurs à propos de cette montagne : « Qui s’élèvera sur la montagne du Seigneur ? L’homme au cœur pur, aux mains innocentes[2] ». C’est pour eux que « le Seigneur est grand et souverainement louable » ; et encore : « Dans la cité de notre Dieu, sur la montagne sainte ». Telle est la cité placée sur la montagne et qui ne peut être cachée[3]. Tel est le flambeau que l’on ne cache point sous le boisseau, que chacun connaît, qui brille partout. Mais tous ne sont pas citoyens de cette ville ; il n’y a que ceux pour qui « le Seigneur est grand et souverainement louable ». Voyons quelle est cette cité ; et comme il est dit : « Dans la cité de notre Dieu, sur la montagne sainte », peut-être devons-nous rechercher aussi cette montagne où Dieu exauce nos prières. Car ce n’est probablement pas sans raison qu’il est dit dans un autre psaume : « Ma voix s’est élevée jusqu’à Dieu, et il m’a exaucé du haut de la montagne sainte[4] ». Cette montagne a contribué à te faire exaucer. Car si tu n’y étais monté, tu aurais pu crier d’en bas, mais non être exaucé. Quelle est donc cette montagne, mes frères ? Il faut la rechercher avec soin, avec la plus vive attention ; il faut des efforts pour s’en emparer et y monter. Mais que faire si elle n’occupe qu’un lieu dans le monde ? Faudra-t-il quitter la patrie pour arriver à cette montagne ? Au contraire, ne pas l’habiter, c’est être hors de notre patrie. Car c’est bien elle qui est notre cité, si nous sommes les membres de ce roi qui est le chef de la cité. Où donc est cette montagne ? Si elle occupait une seule partie du monde, il nous faudrait tout entreprendre pour y arriver. Mais à quoi bon te tourmenter ? Plaise à Dieu que tu ne mettes pas plus de lenteur pour aller à cette montagne qu’elle n’en a mis à venir t’éveiller. Il y eut en effet une pierre angulaire méprisée par les Juifs[5], qui s’y heurtèrent, détachée d’une certaine montagne sans la main d’un homme[6], c’est-à-dire détachée du royaume des Juifs, et qui vint sans la main d’un homme, parce que nul homme n’eut part à cet enfantement de Marie qui mit au monde Jésus-Christ[7]. Mais si cette pierre était demeurée à l’endroit où les Juifs la heurtèrent[8], tu n’aurais rien où tu puisses monter. Qu’est-il donc arrivé ? Que dit la prophétie de Daniel ? sinon que cette pierre a grandi et qu’elle est devenue une grande montagne ? Combien grande ? jusqu’à remplir toute la terre[9]. Donc, cette montagne en grandissant, jusqu’à embrasser toute la terre, est venue jusqu’à nous. À quoi bon dès lors chercher cette montagne comme si elle était loin de nous, et ne pas y monter puisqu’elle est sous nos yeux, afin que pour nous aussi, « le Seigneur soit grand et souverainement louable ? »
3. Et même afin que tu ne puisses méconnaître la montagne dont parle notre psaume, et que tu ne croies devoir la chercher en quelque lieu de la terre, écoute la suite. Après avoir dit : « Dans la cité de notre Dieu, sur la montagne sainte », qu’ajoute le Psalmiste ? « Vous étendez les montagnes de Sion qui sont la joie de la terre entière[10] ». Il n’y a qu’une seule montagne de Sion : pourquoi est-il dit : « Les montagnes ? » Serait-ce parce que ceux-là aussi appartiennent à Sion, qui sont venus d’un côté différent, de manière à se rencontrer dans la pierre de l’angle, et à former deux murs, comme deux montagnes dont l’une viendrait des circoncis, l’autre des incirconcis, l’un des Juifs, l’autre des Gentils, et qui dès lors ne sont plus séparés ? S’il y a une divergence parce qu’ils viennent de directions différentes, ils ne sont plus différents dans l’angle qui les unit. « C’est lui », dit l’Apôtre, « qui est notre paix, c’est lui qui de deux peuples n’en fait qu’un ; c’est là cette pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs, et qui est devenue la pierre angulaire »[11]. Cette montagne a réuni en elle deux montagnes. C’est un seul édifice, et il y a pourtant deux édifices : deux à cause des deux peuples qui viennent de deux directions différentes, un seul à cause de la pierre angulaire qui les unit. Écoute ceci encore : « Les montagnes de Sion, les flancs de l’Aquilon, sont la cité du

  1. Sir. 15,9
  2. Ps. 23,3
  3. Mt. 5,15
  4. Ps. 3,5
  5. Rom. 9,32
  6. Dan. 2,34
  7. Mt. 1,16 ; Lc. 1,34 ; 2,7
  8. Rom. 9,32
  9. Dan. 2,35
  10. Ps. 47,3
  11. Eph. 2,14