Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/523

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autres et inutile à lui-même. Quant à celui qui parle ici, qui veut écouter d’abord, parler ensuite ; avant de dire : « Je développerai sur ma harpe le sujet de mes chants », ce qui est le langage des organes, car l’âme se sert du corps comme le joueur de sa harpe, il nous dit tout d’abord : « J’inclinerai mon oreille à la parabole » ; c’est-à-dire, avant de vous parler par mes organes, avant de jouer du psaltérion, je prêterai tout d’abord l’oreille à la parabole ; c’est-à-dire, j’écouterai ce que je dois vous dire. Et pourquoi « à la parabole ? » Parce que maintenant nous voyons dans un miroir et en parabole[1], selon cette parole de l’Apôtre : « Tant que nous habitons dans ce corps, nous marchons hors du Seigneur[2] », Car nous ne voyons pas encore face à face sans le voile des paraboles, sans l’ombre des énigmes. Tout ce que nous comprenons maintenant, nous le voyons en énigme. L’énigme est une parabole obscure, difficile à comprendre. Quelque soin que prenne l’homme de cultiver son cœur, de rentrer en lui-même pour comprendre les choses intérieures, tant que nous voyons à travers le voile d’une chair corruptible, nous ne voyons qu’en partie. Mais quand la résurrection nous aura rendus incorruptibles, et qu’apparaîtra le Fils de l’homme pour juger les vivants et les morts, alors on verra ce Fils de l’homme, qui a d’abord été jugé et qui à son tour jugera le monde, fera le discernement des bons et des méchants, placera les méchants à sa gauche et les bons à sa droite. Les bons et les méchants le verront, mais il dira aux méchants : « Allez au feu éternel » ; et aux bons : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume. Et les méchants s’en iront aux flammes éternelles, et les justes dans la vie éternelle[3] » ; et là ils verront à découvert cette face que les méchants ne sont pas dignes de voir. Écoutez mes paroles. Quand le Fils de l’homme était sur la terre pour être jugé, les méchants l’ont vu comme les bons, car les Apôtres qui le suivaient l’ont vu, et les Juifs qui le crucifièrent l’ont vu aussi ; de même quand il viendra juger le monde, les bons et les méchants le verront aussi ; les bons, pour en recevoir la récompense, parce qu’ils l’auront suivi ; les méchants, pour en être châtiés, parce qu’ils l’auront crucifié. Il n’y aura donc pour être damnés que ceux qui l’auront crucifié ? J’ose le dire, il n’y aura que ceux-là. Donc, diront les pécheurs d’ici-bas, nous sommes en sûreté. Oui, vous êtes en sûreté, si Dieu ne sonde pas l’intention. Mais que dis-je ? Que votre charité veuille bien comprendre, afin qu’au jugement de Dieu ils ne se plaignent point de n’avoir point compris. Les Juifs ont vu le Christ et l’ont crucifié ; et toi qui ne vois pas le Christ, tu es rebelle à sa parole. Mais résister à sa parole, n’est-ce pas crucifier sa chair, si tu le voyais ? Le juif l’a méprisé quand il pendait à la croix, et tu le méprises quand il est assis dans le ciel. Deux sortes d’hommes l’ont donc vu quand il était sur la terre ; deux sortes d’hommes le verront quand il viendra. Car le Fils de l’homme viendra pour nous juger. Comme le Père ne s’est pas incarné et n’a pas souffert, il ne juge que par son Fils, qui a dit dans l’Évangile : « Le Père ne juge personne, il a donné tout jugement au Fils » ; et peu après il ajoute : « Il lui a donné le pouvoir de juger, parce qu’il est le Fils de l’homme[4] ». Comme Fils de Dieu, le Verbe est toujours avec son Père ; et comme il est toujours avec son Père, il juge toujours avec son Père ; mais comme Fils de l’homme, il a été jugé et il doit juger. De même qu’il a été vu par ceux qui ont cru en lui et par ceux qui l’ont cloué à la croix quand il a été jugé ; ainsi, quand il viendra juger, il sera vu par ceux qu’il condamnera et par ceux qu’il couronnera. Mais quant à cette vision de Dieu qu’il a promise à ceux qui l’aiment, quand il a dit : « Celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; celui qui m’aime garde mes commandements, et moi je l’aimerai et me manifesterai à lui[5] » ; cette vision n’est pas pour les méchants. Cette claire vue sera comme une intimité, il la réserve aux siens et n’en fait aucune part aux impies. Quelle est cette vision ? qu’est-ce que le Christ ? Il est égal au Père. Mais encore, qu’est-ce que le Christ ? « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu[6] ». C’est après cette vision que nous aspirons en gémissant, pendant que nous sommes en cette vie ; telle est la vision qui nous est réservée pour la fin des temps, vision que nous n’avons ici-bas que sous des voiles[7]. Si donc nous voyons en énigme, inclinons notre oreille pour entendre, et développons ensuite sur la harpe l’objet de nos chants ;

  1. 1 Cor. 13,12
  2. 2 Cor. 5,6
  3. Mt. 25,31-36
  4. Jn. 5,22-27
  5. Id. 14,21
  6. Id. 51
  7. 1 Cor. 13,12