Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/542

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donc le mal pour éviter une douleur si légère dont te menace un ennemi, et tu ne fais pas le bien quand le Seigneur te menace d’un malheur éternel ! Nulle menace ne devrait te porter à faire le mal, comme nulle menace ne devrait te détourner de faire le bien. Mais les menaces du Seigneur, les menaces du feu éternel t’interdisent le mal et te stimulent pour le bien, D’où vient cette torpeur, sinon de ton peu de foi ? Que chacun alors sonde son cœur et voie ce qu’y produit la foi, Si nous croyons au jugement à venir, mes frères, vivons dans la vertu. C’est maintenant le temps de la miséricorde, celui du jugement viendra ensuite. Nul ne dira : Faites--moi retourner à mes années premières. Ce sera le temps des regrets, mais des regrets superflus : qu’il se repente, maintenant que la pénitence est utile ; qu’on mette de l’engrais sur les racines de l’arbre, c’est-à-dire le deuil du cœur et les larmes, de peur que Dieu ne vienne et ne l’arrache[1]. Lorsqu’il sera arraché, il n’attendra plus que le feu. Maintenant on peut encore insérer de nouveau les rameaux retranchés[2] : « Alors, tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu[3] ». « Un feu brûlera en sa présence ».
8. « Et autour de lui une tempête effroyable[4] ». Elle sera grande, la tempête qui vannera l’aire si spacieuse du Seigneur ; c’est ce tourbillon dont le souffle doit séparer les saints de tout ce qui est impur, et les fidèles des hypocrites, et les âmes pieuses qui craignent le Seigneur, de tous les orgueilleux qui le méprisent. Aujourd’hui, tout est mélangé de l’Orient à l’Occident. Voyons ce que fera celui qui doit venir, ce qu’il fera dans cet ouragan, qui sera « autour de lui une tempête horrible ». Sans nul doute, un tel ouragan fera une séparation, et telle est la séparation que n’ont pas attendue ceux qui ont rompu les filets avant d’arriver au rivage[5]. Or, cette séparation établit une différence entre les bons et les méchants, Aujourd’hui, en effet, il en est qui suivent le Christ, qui ont déchargé leurs épaules des soins embarrassants de cette vie, qui n’ont pas entendu en vain ces paroles : « Si vous voulez être parfait, vendez ce que vous possédez et donnez-le aux pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel, puis venez et suivez-moi[6] ». C’est à eux qu’il est dit : « Vous vous assiérez sur douze trônes, pour juger les douze tribus d’Israël[7] ». Les uns donc jugeront avec le Seigneur, tandis que les autres seront jugés et passeront à la gauche. Que les uns doivent juger en effet avec le Sauveur, nous en avons un témoignage évident que je viens de vous citer : « Vous vous assiérez sur douze trônes, pour juger les douze tribus d’Israël ».
9. Mais, dira quelqu’un, les douze Apôtres, et pas plus, doivent siéger avec le Christ, Où donc sera l’apôtre saint Paul ? Doit-il en être séparé ? Loin de nous de tenir ce langage ! loin de nous de le penser même intérieurement ! Mais peut-être, dira-t-on, devra-t-il occuper la place de Judas ? Cependant l’Écriture fait connaître celui qui fut ordonné pour le remplacer : car Matthias est désigné si expressément, que le doute n’est pas possible[8]. La chute de Judas n’empêche pas que le nombre de douze ne soit complet. Mais si les douze trônes sont occupés par les douze Apôtres, Paul ne jugera donc point ? Ou peut-être jugera-t-il debout ? Nullement. Dieu dans sa justice ne le souffrira point il ne jugera point debout, celui a travaillé plus que tous les autres[9]. Ce seul apôtre saint Paul nous force donc d’examiner, de rechercher avec plus de soin pourquoi l’Évangile a précisé douze trônes Il y a dans l’Écriture, en effet, d’autres nombres pour exprimer une multitude. Cinq vierges sont admises, et cinq autres exclues[10]. Entendez ces vierges comme il vous plaira, soit de la chasteté et de l’intégrité du cœur, comme doit être vierge cette Église à qui il est dit : « Je vous ai fiancée à cet unique Époux, pour vous présenter à Jésus-Christ comme une vierge sans tache[11] » ; soit de cette pureté de la chair que de saintes femmes ont vouée à Dieu : est-ce que dans tant de milliers, cinq seulement seront élues ? Le nombre de cinq nous marque seulement la continence dans les sens de la chair au nombre de cinq. Les uns, en effet, se perdent par les yeux, d’autres par l’ouïe, d’autres par des odeurs illicites, plusieurs par un goût dépravé, plusieurs enfin par des embrassements adultères : voilà donc en nous cinq portes de corruption, et quiconque les ferme par la continence, et une continence qui s’appuie sur le

  1. Lc. 13,8
  2. Rom. 11,19
  3. Mt. 3,10
  4. Ps. 49,3
  5. Lc. 5,6
  6. Mt. 19,21
  7. Mt. 20,28
  8. Act. 10,26
  9. 1 Cor. 15,10
  10. Mt. 25,10-12
  11. 2 Cor. 11,2