pensée : « Je n’accepterai point les veaux de tes étables[1] ». J’ai parlé d’holocauste, et déjà ta pensée courait à des troupeaux terrestres, tu m’y choisissais quelque pièce bien grasse : « Je n’accepterai point les veaux de tes étables ». Le Prophète annonce ici le Nouveau Testament, qui a mis fin aux anciens sacrifices. Car ils figuraient ce sacrifice à venir, dont le sang devait nous purifier. « Je n’accepterai point les veaux de vos étables, ni les boucs de vos troupeaux ».
17. « Les bêtes des forêts m’appartiennent[2] ». Pourquoi tenir de toi ce que j’ai créé ? Sont-ils plus à vous à qui j’en ai donné la possession, qu’à moi qui les ai créés ? « C’est donc à moi qu’appartiennent les bêtes des forêts ». Mais, dira peut-être cet Israël, les animaux sont à Dieu ; oui, pour ces bêtes que j’enferme pas dans mes enclos, que je n’attrape pas dans mon étable ; mais ce bœuf, cette brebis, ce chevreau, sont bien à moi. « C’est à moi qu’appartiennent les animaux qui paissent sur les montagnes, ainsi que les brebis ». À moi ce que tu ne possèdes pas, à moi ce que tu possèdes. Si tu es en effet mon serviteur, tes biens m’appartiennent totalement ; et tandis que tout le bien que s’amasse un esclave est à son maître, on ne aurait soustraire à la possession du maître ce qu’il a créé pour cet esclave. Elles m’appartiennent donc ces bêtes des forêts, que tu n’as pas soumises ; ils m’appartiennent aussi les troupeaux qui paissent sur les montagnes, et ces bœufs qui sont dans tes étables : tout m’appartient, puisque j’ai tout créé.
18. « Je connais tous les oiseaux du ciel[3] ». Comment Dieu les connaît-il ? Il les a suspendus dans les cieux, les a comptés ; qui d’entre nous connaît tous les oiseaux du ciel ? Quand le Seigneur nous donnerait la connaissance de tout ce qui vole dans les airs, lui ne les connaît point de la manière qu’il permet à l’homme de les connaître. Autre est la connaissance chez Dieu, autre est la connaissance chez l’homme ; de même autre est pour Dieu posséder, et autre pour l’homme ; c’est-à-dire que Dieu possède bien autrement que les hommes. Pour toi, en effet, ce que tu possèdes n’est pas complètement en ton pouvoir, puisque tu ne saurais à ton gré faire vivre un bœuf ou l’empêcher de mourir ou de paître l’herbe. Celui qui a le souverain pouvoir, a aussi la connaissance la plus étendue comme la plus secrète. Reconnaissons-le à la gloire de Dieu. Loin de vous de dire Comment Dieu peut-il connaître ? N’attendez pas de moi, mes frères, que je vous explique la manière dont connaît le Seigneur ; ce que je puis vous dire, c’est qu’il ne connaît point comme les hommes, ni même comme les anges ; mais je n’oserais dire comment il connaît, je ne puis même le savoir. Toutefois je sais une chose, c’est que Dieu savait ce qu’il devait créer, même avant qu’il y eût aucun oiseau. Mais quelle connaissance en avait-il ? O homme, depuis ta naissance, depuis que tu as reçu le sens de la vue, tu as considéré des oiseaux. Ces oiseaux sont sortis de l’eau à la parole de Dieu, qui a dit : « Que les eaux produisent des oiseaux[4] ». Où Dieu connaissait-il ce qu’il commandait à l’eau de produire ? Car il connaissait ce qu’il avait créé, et il le connaissait avant de l’avoir créé. Telle est donc pour Dieu la connaissance, que toutes les créatures étaient en lui d’une manière ineffable, avant leur création ; mais exigera-t-il de toi ce qu’il avait avant même de rien créer ? « Je connais tous les oiseaux du ciel », et tu ne saurais me les donner. Je connais tout ce que tu peux immoler à ma gloire ; et je le connais, non pour l’avoir fait, mais parce que je devais le faire. « Et la beauté des champs est avec moi ». Ce qu’il y a de beau dans les campagnes, la fertilité de tout ce qui produit sur la terre, tout cela « est avec moi », dit le Seigneur. Comment avec lui ? Est-ce même avant d’exister ? Avec lui était tout ce qui devait exister, et avec lui est encore ce qui est passé ; il voit l’avenir sans que pour cela rien du passé lui échappe. Tout est avec lui par une certaine connaissance de l’ineffable sagesse divine qui est en son Verbe, et ce Verbe comprend tout. La beauté des champs ne serait-elle pas avec lui, en ce sens que Dieu est partout et qu’il a dit : « Je remplis le ciel et la terre[5] ? » Qu’est-ce qui ne serait pas avec celui dont il est dit : « Si je monte vers les cieux, vous y êtes ; si je descends dans les enfers, je vous rencontre[6] ? » Tout est avec lui : non qu’il souffre du contact des êtres qu’il a créés ou qu’il en ait besoin. Peut-être y a-t-il près de toi une colonne, près de laquelle tu te tiens debout ; et si tu ressens la fatigue, tu t’appuies
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