Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/581

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des hommes, ils sont mes coulants quand ils se conduisent bien. Par la puissante bonté de Dieu, les enfants des hommes deviennent ses enfants, parce que son Fils est devenu le Fils de l’homme. Voyez quelle admirable société s’est établie entre Dieu et nous ; il nous a promis de nous rendre participants de sa divinité, ne devait-il point, sous peine de parjure, devenir d’abord lui-même participant de notre mortalité ? Le Fils de Dieu donc pris part à notre nature humaine pour nous donner part à sa nature divine. Celui qui a promis de te faire entrer en communion de ses biens a voulu entrer auparavant en communion de tes maux. Il l’a promis sa divinité, mais avant tout il t’a manifesté son immense charité. Que si tu nous enlèves ce que nous avons reçu en devenant enfants de Dieu, tu ne trouveras plus tel nous que les vices des enfants des hommes, et alors tu verras combien sont vraies ces paroles : « Il n’y en a pas qui fasse le bien, il n’y en a pas un seul[1] ».
7. « Est-ce qu’ils n’acquerront pas la science, iceux qui commettent l’iniquité et qui dévorent mon peuple comme un morceau de pain ? Est-ce qu’ils n’acquerront pas la science[2] ? » Est-ce qu’il ne leur sera pas donné de voir ? Parlez, menacez, élevez la voix comme une femme qui enfante, comme sue personne qui souffre. Car ils dévorent votre peuple de la même manière qu’on dévore un morceau de pain. Il y a donc ici un peuple de Dieu que l’on dévore, et pourtant : « Il n’y en a pas qui fasse le bien, il n’y en à pas un seul ». Ce que nous avons dit tout à l’heure, nous aide à répondre : ce peuple que l’on dévore, ce peuple qui souffre au milieu des méchants, ce peuple qui gémit et enfante au milieu d’eux, se compose d’enfants des hommes devenus enfants de Dieu : voilà pourquoi on le dévore. « Car vous avez confondu le conseil du pauvre, parce qu’il a mis en Dieu son espérance[3] ». Le plus souvent, en effet, la raison pour laquelle on méprise et l’on dévore le peuple de Dieu, c’est sa qualité même de peuple de Dieu. Que je me livre, dit-on, à la rapine ; que je devienne spoliateur : si ma victime est un chrétien, quel mal me fera-t-elle ? Celui qui parle en faveur des victimes et menace les persécuteurs, celui-là parle en faveur de son peuple, car il dit : « Est-ce que ceux qui commettent l’iniquité n’acquerront pas la science ? » L’homme qui voyait le voleur et courait avec lui, qui entrait en partage avec les adultères, qui s’asseyait et méditait contre son frère, qui tendait un piège au fils de sa mère, cet homme a dit dans son cœur : « Il n’y a pas de Dieu ». C’est pourquoi le Seigneur lui dit en retour : « Tu as fait cela et je me suis tu ; tu as supposé l’iniquité en moi, tu as cru que je te ressemblerais », c’est-à-dire, si je te ressemblais je ne serais pas Dieu. Et il ajoute : « Je te reprendrai, je te ferai comparaître devant toi-même ». Maintenant tu ne veux pas te connaître, tu ne veux point par là éprouver de déplaisir ; plus tard tu te connaîtras et tu pleureras. Dieu forcera nécessairement les méchants à reconnaître leur iniquité. S’il ne le faisait pas, où donc seraient ceux qui doivent dire : « A quoi nous a servi notre orgueil ? qu’avons-nous retiré de l’éclat de nos richesses ? » Alors ils seront instruits, ceux qui ne veulent pas s’instruire aujourd’hui : « Est-ce qu’ils n’acquerront pas la science, tous ceux qui font le mal et qui dévorent mon peuple commue un morceau de pain ? » Quel sens donner à ce qui suit : « Comme un morceau de pain ? » Ils dévorent mon peuple comme on mange le pain. Parmi les aliments qui servent à notre nourriture, nous choisissons tantôt les uns, tantôt les autres. Nous ne mangeons pas toujours les mêmes légumes, la même sorte de viande, les mêmes fruits, mais toujours nous mangeons du pain. Quelle est donc la signification de ces paroles : « Ils dévorent mon peuple comme un morceau de pain ? » Ceux qui dévorent mon peuple comme un morceau de pain, le font sans interruption, sans fin.
8. « Ils n’ont pas invoqué Dieu[4] ». Le Prophète console ici celui qui gémit ; il l’exhorte surtout à ne point imiter les méchants, dans la crainte de le voir entraîné au mal par le spectacle des prospérités dont ils jouissent habituellement. Tu entreras en possession de ce qui t’a été promis, l’espérance des méchants se borne au temps présent ; la tienne a pour objet les biens éternels ; ce qu’ils espèrent leur échappera, jamais tu ne perdras ce que tu attends ; les avantages de ce monde sont trompeurs, ceux auxquels tu aspires sont véritables « Car ils n’ont point invoqué « Dieu ».

  1. Ps. 52,4
  2. Id. 5
  3. Ps. 13,6
  4. Ps. 52,6