se disent : Quel avantage retiré-je de mon innocence ? À quoi me sert d’être fidèle lieu, d’observer ses commandements, d n’être à charge à personne, de ne rien dérober à qui que ce soit, de ne jamais nuire à autrui, d’être, autant que possible utile à prochain ? Je remplis tous mes devoirs : les mécréants sont heureux, et moi, je souffre ! Eh quoi ! voudrais-tu être aussi un Ziphéen ? Ils sont tous brillants en ce monde ; mais, au jugement de Dieu, ils se dessécheront, puis ils seront jetés dans le feu éternel. Est-ce cela que tu désires pour toi ? As-tu mis en oubli les promesses de celui qui est descendu du ciel vers toi ? Ne connais-tu pas l’exempte qu’il t’a lui-même donné ? Si l’éclat des Ziphéens méritait d’exciter tes désirs, ton Sauveur ne s’en serait-il pas revêtu pour les jours de sa vie mortelle ? Ou bien, la puissance de le faire lui a-t-elle manqué ? Il a préféré ne pas se faire connaître ; il a mieux aimé dissiper les soupçons que Ponce Pilate élevait sur la nature de sa puissance, et répondre à ses questions, comme s’il adressait la parole à ces orgueilleux Ziphéens eux-mêmes : « Mon royaume n’est pas de ce monde[1] ». Il se cachait donc ici-bas, et tous les hommes vertueux s’y cachent, à son exemple, parce que leur véritable bien est au dedans d’eux : il est caché dans leur cœur, dans ce cœur où se trouvent leur foi, leur charité, leur espérance, leur trésor. De tels biens paraissent-ils au regard du monde ? Non, ils s’y dérobent, et la récompense que lieu leur réserve ne paraît pas davantage. Comment donc se fait-il que l’éclat des mondains soit si vif ? Il éblouit les yeux, mais il ne les éblouira pas toujours. Pareil à la beauté de ces herbes qui naissent et gardent leur verdeur en hiver, pour se flétrir aux premières ardeurs du soleil d’été, il ne durera qu’un moment. Ne nous livrons donc pas à ces pensées que le Prophète développe dans un autre psaume. Il avoue qu’il a failli tomber de défaillance et qu’il a marché d’un pas chancelant dans la voie de Dieu, parce qu’il a vu l’éclat et le bonheur des méchants. Néanmoins, dès qu’il a connu ce que Dieu, souverainement ennemi du mensonge, réserve pour l’avenir aux pécheurs, ce qu’il promet aux justes malheureux, il s’écrie, dans les transports de sa joie et de sa reconnaissance : « Que le Dieu d’Israël est bon pour ceux qui ont le cœur droit ! mes pas ont chancelé je me suis vu sur le point de tomber ». Et pourquoi ? « Parce qu’à la vue du tranquille bonheur des méchants, la jalousie s’est emparée de mon cœur ». Mais sa démarche s’est raffermie, lorsqu’il a pénétré les mystères de l’avenir. Il ajoute dans un autre verset du même psaume : « J’ai trouvé en cela une grande obscurité » ; c’est-à-dire, une grande difficulté s’est présentée à mon esprit. Pourquoi les hommes qui font le mal en cette vie, y sont-ils néanmoins si heureux ? Pourquoi ceux qui pratiquent la vertu, y sont-ils, au contraire, sujets à tant de peines ? Cette difficulté me semblait singulièrement grave, et presque impossible à résoudre. « Je ne vois qu’obscurité devant moi, jusqu’à ce que j’entre dans le sanctuaire de Dieu, et que je pénètre les mystères de l’avenir[2] ». Quels mystères l’avenir doit nous révéler ? L’Évangile nous les a déjà fait connaître : « Lorsque le Fils de l’homme viendra, tous les peuples de la terre seront rassemblés devant lui, et il les séparera, comme un pasteur sépare les agneaux d’avec les boucs : il mettra les brebis à la droite, elles boucs à la gauche[3] ». Les Ziphéens seront d’abord mis de côté, puis ils seront jetés au feu. Verra-t-on briller ceux qui seront placés à la gauche ? car alors ils gémiront : alors leur âme sera saisie de repentir, mais d’un repentir hors de saison alors ils s’écrieront : « De quoi nous a servi notre orgueil ? Quel avantage retirons-nous du faste de nos richesses ? Tout cela a passé comme l’ombre[4] ». O Ziphéens, qui êtes maintenant à la gauche il est trop tard pour vous repentir d’avoir brillé dans l’ombre. Au lieu de reconnaître David, quand il se cachait au milieu de vous, pourquoi le trahissiez-vous ? Si alors vous vous étiez corrigés, votre douleur présente ne vous serait point inutile. Il y a un repentir utile, et un repentir qui ne l’est pas. Tu te repens utilement, lorsque tu t’accuses, lorsque tu te reproches ta conduite désordonnée, lorsqu’à la suite de ces secrets reproches, tu combats tes mauvaises habitudes, lorsque, après leur avoir fait la guerre, tu t’en corriges, lorsque tu te convertis, et que, te dépouillant du vieil homme et te revêtant du nouveau, tu préfères les ignominies du Christ à la gloire des Ziphéens.
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