Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/627

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de te montrer à souffrir ; comme encore il est sorti vivant d’entre les morts, pour exciter en toi l’espérance de la résurrection.
6. « J’espérerai à l’ombre de vos ailes, jusqu’à ce que passe l’iniquité ». Sans aucun doute, c’est Jésus-Christ tout entier qui a prononcé ces paroles : ce sont aussi les nôtres. Loin d’être arrivée à son terme, l’iniquité se trouve encore dans toute sa force, et le Sauveur lui-même nous annonce qu’à la fin des temps il y aura une surabondance de méchanceté. « Parce que », dit-il, « l’iniquité se multipliera, on verra se refroidir la charité de plusieurs : mais celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé[1]. Quel est l’homme qui persévérera jusqu’à la fin, jusqu’à ce que l’iniquité soit arrivée à son terme ? C’est celui qui fera partie du corps du Christ, qui sera du nombre de ses membres, et qui aura appris de son chef à garder la patience et à persévérer toujours. Tu passes, avec toi passent toutes les épreuves qui tourmentent ton existence ici-bas. Tu te diriges vers une autre vie où sont déjà entrés tous les saints : tu y entreras toi-même, si tu es saint. Cette autre vie est aujourd’hui le partage des martyrs : sois martyr, et elle deviendra aussi ton héritage. Mais parce que tu seras passé de cette vie terrestre dans la vie éternelle, crois-tu que c’en est fait de l’iniquité ? Si des méchants meurent, d’autres viennent au monde ; et de même qu’ils se succèdent de manière à ce que les uns prennent la place laissée vide par la mort des autres, de même aussi des justes nouveaux viennent se substituer aux justes qui sortent de ce monde. Jusqu’à la consommation des siècles, il ne manquera donc jamais de méchants pour tourmenter les justes, ni de justes pour supporter les méchants. « Et j’espérerai à l’ombre de vos ailes, jusqu’à ce que passe l’iniquité ». C’est-à-dire : Vous me protégerez, et afin que l’ardeur brûlante du péché ne me dessèche pas, vous me mettrez à l’ombre de vos ailes.
7. « Je crierai vers le Dieu Très-Haut[2] ». S’il est le Très-Haut, comment peut-il entendre les cris de ta prière ? Le Prophète le savait par expérience, car il ajoute : « Le Seigneur m’a comblé de ses bienfaits » S’il m’a fait du bien avant même que je le cherche, pourra-t-il ne pas m’écouter, lorsque je ferai monter vers son trône les accents de ma prière ? Le Seigneur Dieu nous a donné la preuve de son infinie bonté, en nous envoyant son Fils, afin qu’il mourût pour nos péchés, et qu’il ressuscitât pour notre justification[3]. Pour qui a-t-il voulu soumettre son Fils à la nécessité de mourir ? Pour les impies. Ils ne cherchaient pas Dieu, et Dieu les cherchait. Le Seigneur est donc élevé au-dessus de toutes choses ; et, pourtant, il a les yeux ouverts sur nos épreuves : nos cris s’élèvent facilement jusqu’à lui, car il est près de ceux dont le cœur est brisé de douleur[4]. « Je crierai vers le Dieu Très-Haut, vers le Dieu qui m’a comblé de ses bienfaits ».
8. « Du haut du ciel il a envoyé, et m’a sauvé[5] ». C’est un fait indubitable : le Fils de Dieu fait homme, devenu chair et participant à notre nature, a été sauvé : du haut du ciel, Dieu le Père lui a envoyé son secours et l’a sauvé : du haut de son trône, il l’a protégé et l’a fait sortir vivant du tombeau ; mais comment a-t-on pu vous dire que le Seigneur Jésus s’est ressuscité lui-même ? C’est que nous lisons dans la sainte Écriture, et que son Père l’a ressuscité, et qu’il s’est ressuscité lui-même. Son Père l’a ressuscité : écoute l’Apôtre, il te l’affirme, car il dit : « Jésus-Christ s’est rendu obéissant jusqu’à la mort, et jusqu’à la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé dans la gloire, et lui a donné un nom qui est au-dessus de tous les noms[6] ». Vous venez d’apprendre que le Père a ressuscité son Fils, et l’a élevé en gloire ; apprenez maintenant de sa propre bouche qu’il a fait lut-même sortir son corps vivant du tombeau. Comparant ce corps à un temple, il dit aux Juifs : « Détruisez ce temple, et je le rebâtirai en trois jours ». L’Évangéliste a bien soin de nous faire saisir parfaitement le sens de ces paroles, car il ajoute : « Il parlait du temple de son corps[7] ». C’est donc comme chair, c’est comme homme qu’il prie ici et qu’il dit : « Du haut du ciel il a envoyé et m’a sauvé ».
9. « Il a fait tomber dans l’opprobre ceux qui me foulaient aux pieds ». Il a livré à la honte ceux qui l’ont foulé aux pieds, ceux qui l’insultaient lorsqu’il était attaché à la croix, ceux enfin qui l’ont crucifié, comme s’il n’était qu’un homme, parce qu’ils n’ont point compris qu’il était Dieu. Voyez si l’événement n’a

  1. Mt. 24,12
  2. Ps. 56,3
  3. Rom. 4,25
  4. Ps. 33,19
  5. Ps. 56,4
  6. Phil. 2,8-9
  7. Jn. 2,19-21