parlent d’enchanteurs, êtes-vous en droit de croire que vous devez vous rendre au milieu des Marses ? S’il en était ainsi, vous devriez aussi fréquenter les spectacles et les théâtres, puisque l’Apôtre a dit : « Je ne lutte pas, comme si je battais l’air[1] ». Car lutter, c’est donner le spectacle des cinq combats. Saint Paul a parlé de la lutte par simple comparaison ; voulait-il nous inspirer du goût pour ces sortes de spectacles ? Il a dit encore : « Celui qui combat dans la lice s’abstient de tout[2] ». Un chrétien doit-il, en conséquence de ces paroles, affecter de courir au théâtre, et de s’occuper de vanités pareilles ? Quand on se sert devant toi d’une comparaison, remarque donc attentivement ce qu’on veut t’apprendre et te défendre. Ainsi a-t-on voulu tirer une similitude du fait d’un Marse, qui enchante un aspic, pour le faire sortir de sa ténébreuse demeure ? il veut l’amener au jour ; l’aspic se plaît dans l’obscurité, au sein de laquelle il s’enveloppe et se cache ; et, comme il ne veut pas en sortir, il refuse d’écouter la voix fascinatrice à laquelle il se sent porté à obéir malgré lui ; pour cela, que fait-il ? Il presse contre terre l’une de ses oreilles, tandis qu’à l’aide de sa queue il ferme l’autre ; voilà comment il agit pour éviter de son mieux le piège du charmeur, et ne point sortir de son repaire. Le Saint-Esprit compare à ce reptile certains pécheurs, sourds à la voix de Dieu, et qui, loin de mettre en pratique la parole du Seigneur, font tout leur possible pour ne pas même l’entendre.
8. Chose pareille s’est vue aux premiers jours du Christianisme. Le martyr Étienne prêchait la vérité, il voulait comme charmer des âmes plongées dans les ténèbres, et les amener à la lumière ; arrivé au point de leur parler du Christ, il ne put se faire entendre de ces âmes volontairement endurcies. Aussi que nous dit d’elles la sainte Écriture ? Que nous rapporte-t-elle à leur endroit ? Voici ce qu’elle nous raconte : « Ils bouchèrent leurs oreilles ». Ce qu’ils firent ensuite, l’histoire de la passion d’Etienne nous l’apprend. Ils n’étaient pas sourds, mais ils se sont rendus tels. Les oreilles de leur cœur étaient fermées ; toutefois la vérité fut si forte que, traversant les oreilles de leur corps, elle vint frapper violemment celles de leur cœur ; alors ils bouchèrent même les oreilles de leur corps, et en vinrent à lapider le saint[3]. C’étaient bien des aspics, frappés de surdité et plus durs que les pierres dont ils accablèrent leur enchanteur ; ils n’écoutèrent ni la voix du charmeur, ni celle « du remède « que leur mélangeait le sage ». Qu’est-ce que ce remède mélangé par le sage ? Un remède mélangé veut dire, sans doute, un remède préparé. Demandons-nous comment un remède peut être tel sans être préparé ? Les prophéties, la loi, tous les commandements étaient des remèdes, mais des remèdes non encore préparés ; leur préparation a été opérée par la venue du Sauveur. Les Juifs n’ayant pu les supporter, à cause de leur simplicité native, ces remèdes ne guérissaient pas. Le Christ est venu leur donner toute leur perfection. Étienne s’efforçait de les charmer et de leur insinuer ce remède préparé ; ils ne voulurent pas seulement l’entendre ; ils bouchèrent leurs oreilles par opposition à celui-là même qui avait donné au médicament toute sa vertu, car à peine avaient-ils entendu prononcer le nom du Sauveur, qu’ils avaient déjà pris cette précaution d’une surdité volontaire. Leur fureur était devenue pareille à celle d’un serpent. Pourquoi fermer vos oreilles ? Attendez, écoutez ; puis, si vous le pouvez, vous vous emporterez. Ce qu’ils voulaient, c’était non pas écouter, mais s’irriter. S’ils avaient prêté l’oreille aux paroles du saint, ils auraient bien pu se calmer et bien faire. « Leur fureur est semblable à celle d’un serpent ».
9. Tels sont encore aujourd’hui ceux qui nous font souffrir. Dès le premier abord, ils se croyaient en possession de la vérité : mais Dieu n’a pas cessé de soutenir son Église ; il n’a pas différé de les confondre. On a prêché la vérité dans cette Église ; dans le sein de cette bonne mère on a étalé au grand jour tous leurs mensonges. La lumière s’est montrée à tous ; tous les yeux ont pu contempler cette ville, placée sur la montagne, et qui ne peut demeurer cachée, ce flambeau élevé sur le chandelier, et qui brille aux regards de tous ceux qui habitent la maison[4]. Où l’Église de Dieu est-elle encore inconnue ? En quels endroits n’ont pas encore pénétré les rayons de la vérité chrétienne ? Le Sauveur n’est-il pas cette montagne immense, qui s’est formée d’une petite pierre, et qui s’étend sur toute la face de l’univers »[5] ? Voilà ce qui les
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