Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/648

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de Dieu, et que je comprenne leur fin[1] ». Le Saint-Esprit veut fixer notre attention sur les peines réservées aux pécheurs, mais il ne veut nous parler ni des peines de l’enfer, ni du feu éternel, qui brûlera les méchants après la résurrection ; ni des épreuves de cette vie, qui sont communes aux justes et aux pécheurs, et qui, le plus souvent, affligent d’une manière plus sensible les amis de Dieu que ses ennemis ; ce qu’il a en vue, ce sont certaines peines de la vie présente. Faites-y bien attention, écoutez-moi ; ce que je vais vous dire, vous le savez déjà ; mais vous éprouverez un véritable plaisir à entendre le Psalmiste vous le répéter ici, et à comprendre un passage qui vous a paru difficile à saisir avant toute explication. Vous connaissez déjà les vérités dont je vais vous entretenir ; néanmoins, elles vous seront aussi agréables que si elles avaient pour vous le charme de la nouveauté, parce que je vous aiderai à les découvrir là où vous ne supposiez pas les voir renfermées. Voici donc en quoi consiste la punition des impies. « Ils disparaîtront comme de la cire qui se fond ». Je vous l’ai déjà dit : la cause d’un pareil effet se trouve être dans leurs passions. La concupiscence coupable est comme un feu ; c’est une flamme ardente. Le feu réduit en cendres un vêtement, et une âme, dévorée par l’ardeur d’une passion adultère, demeurerait intacte ? La sainte Écriture nous parle du dessein de commettre l’adultère, et nous dit : « Où est l’homme capable de porter du feu dans le pan de sa robe, sans qu’elle en soit brûlée ? »[2] Place des charbons ardents sur le pan de ta robe, elle sera bientôt percée ; et quand tu auras mis dans ton cœur le désir de l’adultère, il n’en sera pas atteint ?
18. Ce genre de punition, très peu d’hommes le remarquent ; c’est pourquoi l’Esprit de Dieu s’applique tout particulièrement à nous le faire connaître. Écoute la parole de l’Apôtre : « Dieu les a livrés aux désirs dépravés de leur cœur ». Voilà le feu en présence duquel ils fondent comme la cire, car ils perdent en quelque sorte la consistance de la chasteté ; aussi appelle-t-on mous et dissolus ceux qui se laissent aller à de telles passions. Qu’est-ce qui les amollit ? Qu’est-ce qui les rend dissolus ? C’est le feu des passions. « Dieu les a livrés aux désirs désordonnés de leur cœur, et leur corruption les a portés à des actions indignes de l’homme ; ils ont été remplis de toutes sortes d’injustices ». Saint Paul énumère un grand nombre de péchés, et il ajoute qu’ils sont la punition du péché ; il dit, en effet, que l’orgueil est la première de ces punitions, et, pourtant, il est bien plutôt le premier de tous les péchés. Le premier péché de l’homme est l’orgueil, comme la dernière de ses peines sera le feu éternel, ou le feu de l’enfer, qui tourmente dès maintenant les damnés. Ce qui se trouve entre ce premier péché et cette dernière peine est, en même temps, péché et punition du péché. Car l’Apôtre rapporte une foule d’actions détestables, qui sont chez les pécheurs la conséquence et la punition d’autres fautes. « Dieu », dit-il, « les a livrés aux désirs corrompus de leurs cœurs, et leur corruption les a portés à des actions indignes de l’homme ». Et afin que personne ne pût croire que les méchants n’ont à redouter aucune peine, autre que celle où ils trouvent maintenant leur bonheur, et pour inspirer à tous la crainte de ce qui arrivera plus tard, il parle de la dernière peine. « Après avoir connu la justice de Dieu, ils n’ont pas compris que les auteurs de pareils désordres sont dignes de mort, non seulement ceux qui s’y abandonnent, mais encore ceux qui les approuvent ». Les auteurs de pareils désordres. Quels désordres ? Ceux qu’il a désignés plus haut comme étant la punition du péché ; car « Dieu les a livrés aux désirs corrompus de leur cœur, et leur corruption les a portés à des actions indignes de l’homme ». Qu’un homme soit adultère, c’est déjà une punition pour lui ; n’en est-il pas de même s’il est menteur, avare, trompeur, assassin ? De quelle faute ces nouvelles prévarications peuvent-elles être la peine ? De leur première apostasie, de leur orgueil. « Le commencement de tout péché est de s’éloigner de Dieu par l’apostasie ; et le commencement de tout péché est l’orgueil[3] ». C’est pourquoi il donne le nom de premier au péché de ceux « qui, ayant connu Dieu, ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces, mais se sont égarés dans leurs vains raisonnements ; aussi leur cœur, dépourvu d’intelligence, a-t-il été rempli de ténèbres ». Cet obscurcissement du cœur

  1. Ps. 67,1-3.16-17
  2. Prov. 6,27-29
  3. Sir. 10,14-15