Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/654

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sujets. « J’ai été », dit-il, « établi de Dieu pour être roi sur Sion, sa montagne sainte, et pour y prêcher ses préceptes. Le Seigneur m’a dit : Vous êtes mon Fils, je vous ai engendré aujourd’hui. Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour votre héritage, et pour domaine jusqu’aux extrémités de la terre. Vous les gouvernerez avec un sceptre de fer, et vous les briserez comme un vase d’argile[1] ». Quels hommes gouvernera-t-il ? Quels hommes seront brisés par lui ? Il gouvernera ceux qui lui obéiront ; il brisera ceux qui lui feront résistance. Ces mots : « N’altère pas », sont donc une admirable prophétie. Les Juifs étaient allés se plaindre à Pilate, et lui avaient dit : « Garde-toi d’écrire qu’il est le Roi des Juifs, mais écris qu’il s’est déclaré Roi des Juifs » ; car, ajoutèrent-ils, un pareil titre consacre sa royauté sur nous. Et Pilate avait répondu : « Ce que j’ai écrit est écrit[2] ». Voilà l’accomplissement de cette parole : « N’altère pas ».
2. Ce psaume n’est pas le seul à porter une pareille inscription : « N’altère pas » : ce titre est commun à quelques autres[3], et néanmoins ils ont tous trait à la passion du Sauveur. Sachons donc y trouver une allusion aux souffrances de Jésus-Christ, et y reconnaître la parole de Jésus-Christ considéré comme chef et comme corps tout ensemble. Toujours ou presque toujours dans ce psaume nous devrons considérer les paroles du Rédempteur, d’abord comme celles de notre divin chef, de l’unique médiateur de Dieu et des hommes, de Jésus-Christ homme, qui, au commencement, était aussi en tant que Dieu le Verbe, Dieu en Dieu ; du Verbe qui a habité parmi nous après s’être fait chair[4], qui est sorti, selon la chair de la race d’Abraham et de David, et qui est né de la Vierge Marie ; nous devrons aussi considérer ces paroles comme celles de Jésus-Christ tout entier, homme parfait, tout à la fois, chef et corps : car, nous dit l’Apôtre, « vous êtes le corps et les membres du Christ[5] ». Saint Paul ajoute, en parlant de lui, qu’il est le Chef de l’Église[6]. S’il est notre chef, nous sommes ses membres : il est donc en même temps chef et corps. Parfois il arrive que certaines paroles ne peuvent être attribuées à Jésus-Christ comme chef, et si tu ne les rapportais pas au corps, tu ne pourrais en saisir parfaitement le sens : par une raison analogue, certaines autres paroles ne Conviennent pas au corps ; et, pourtant, c’est le Christ qui les prononce. Y a-t-il là à craindre de se tromper ? Non, car il suffit d’appliquer au chef ce qui ne peut convenir aux membres. Enfin, pendant qu’il était attaché à la croix, le Sauveur a parlé au nom de son corps « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné[7] ? » Dieu ne l’avait pas abandonné, puisqu’il n’avait pas abandonné Dieu. Pourrait-on dire, en effet, que pour descendre jusqu’à nous, il s’était éloigné de son Père, ou qu’en nous l’envoyant, le cœur de son Père s’était écarté de lui ? Non, mais l’homme avait abandonné Dieu, car Adam, après avoir péché, Adam autrefois si heureux quand il se trouvait en la présence du Seigneur, s’était éloigné de la source de son bonheur, épouvanté des reproches de sa conscience coupable[8]. Puisqu’il avait, le premier, abandonné Dieu, il était juste que Dieu l’abandonnât à son tour. Or, Jésus-Christ ayant puisé sa chair en Adam parlait au nom de l’humanité qu’il avait prise, car notre vieil homme a été attaché simultanément à la croix[9].
3. Écoutons donc ce qui suit : « Lorsque Saül envoya garder sa maison pour le faire mourir ». S’il n’est point ici question du crucifiement du Sauveur, il s’agit néanmoins de sa passion : car après avoir été attaché à la croix, et avoir rendu le dernier soupir, Jésus-Christ a été mis dans le tombeau : et ce tombeau était, à vrai dire, pour lui, comme une maison, et la nation juive la fit véritablement garder, quand elle envoya des gardes pour surveiller le sépulcre de l’Homme-Dieu[10]. Dans le livre des Rois, nous trouvons, sans doute, le récit des précautions prises par Saut pour cerner la maison où David s’était réfugié, et le faire mourir[11]. Cependant, dans l’explication de ce psaume, nous ne devons faire allusion à cet événement qu’autant que le Psalmiste l’a fait lui-même. A-t-il voulu se borner à nous dire qu’on a envoyé garder la maison de David pour le mettre à mort ? Si David figurait le Christ, comment peut-on dire qu’on gardait la maison où se trouvait le Christ, afin de le faire mourir, puisqu’il n’a été enfermé dans son sépulcre qu’après avoir perdu la vie sur la croix ? Rapporte donc ces paroles au corps

  1. Ps. 2,6-9
  2. Jn. 19,21
  3. Ps. 56-58
  4. Jn. 1,1-14
  5. 1 Cor. 12,27
  6. Eph. 1,22 ; Col. 1,18
  7. Ps. 21,2 ; Mt. 27,46
  8. Gen. 3,8
  9. Rom. 6,6
  10. Mt. 27,66
  11. 1 Sa. 19,11