Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/674

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s’est passé. Néanmoins, il est facile de le remarquer, dans la plupart des titres des psaumes, l’esprit du Prophète s’écarte un peu du strict récit des faits historiques, pour dire des choses qu’on ne rencontre point dans le narré des événements : par là, il veut nous avertir que ces titres ont été écrits, moins pour nous rappeler ou nous apprendre des faits passés, que pour nous prédire l’avenir. Ainsi, il est dit dans le titre d’un psaume, que David changea son visage en présence d’Abimélech, et que celui-ci s’en alla après l’avoir congédié[1] ; au contraire, le livre des Rois nomme le roi Achis, et ne cite point Abimélech[2] ; de même trouvons-nous, dans le cas présent, une allusion à l’avenir. Effectivement, dans cette histoire des guerres et des actions mémorables qui ont illustré le règne de David, il est question de tous ceux que cite le titre et que le saint roi a vaincus, mais il n’est pas dit qu’il ait porté l’incendie quelque part ; et ce que l’histoire ne mentionne pas, nous le trouvons formellement rapporté dans le titre, car nous y voyons qu’il a fait brûler la Mésopotamie de Syrie, et la Sine de Sobal. Commençons donc à chercher là le secret des choses à venir qui s’y trouvaient figurées ; faisons, par nos paroles, sortir de ces ombres épaisses une éclatante lumière.
2. Vous savez le sens de ces paroles : « Pour la fin ». Car « la fin de la loi, c’est le Christ[3] ». Vous n’ignorez pas non plus quels sont ceux qui sont changés. Il est impossible d’en douter : ce sont ceux qui passent de la vieille vie à la vie nouvelle : loin de nous, en effet, la pensée de prendre ce changement en mauvaise part. Adam a subi un changement, ç’a été de passer de l’état d’innocence à l’état de péché, du sein du bonheur à un abîme de tourments. Au lieu de lui ressembler, ceux dont il est ici question deviennent tels qu’on peut leur appliquer aussi ces paroles de l’Apôtre : « Autrefois, vous avez été ténèbres, mais maintenant, vous êtes lumière dans le Seigneur[4] ». Ces hommes sont changés pour l’inscription du titre. Vous connaissez la teneur de ce titre il a été attaché à la croix du Sauveur, et il était conçu en ces termes : « Voici le roi des Juifs[5] ». Tous ceux qui passent du royaume du démon au royaume du Christ, sont changés pour l’inscription de ce titre : un changement de cette nature leur est trèsutile, et il s’opère en eux, suivant le texte sacré, « pour l’instruction ». Car après ces mots : « A ceux qui seront changés pour l’inscription du titre », nous lisons ces autres : « A David, pour l’instruction » ; c’est-à-dire, ils sont changés, non pour eux-mêmes, mais pour David, ils le sont pour l’instruction. Jésus-Christ n’est pas roi pour régner en ce siècle, car il l’a publiquement déclaré : « Mon royaume », a-t-il dit, « n’est pas de ce monde[6] ». Passons donc à ces instructions, si nous voulons être changés pour l’inscription du titre, non pas pour nous, mais pour David : de la sorte, ceux qui vivent ne vivront plus pour eux-mêmes, ils vivront pour celui qui est mort et ressuscité en leur faveur[7]. Toutefois, comment le Christ aurait-il opéré notre changement, s’il n’avait réalisé ces paroles : « Je suis venu jeter le feu dans le monde[8] ? » Si donc il est venu jeter le feu dans le monde, ç’a été pour le bien et l’utilité de l’homme mais, remarquez-le, il n’est pas venu jeter le monde dans le feu. Comment est-il venu jeter « le feu dans le monde ? » Puisqu’il est venu dans ce but, cherchons à connaître cette Mésopotamie de Syrie, et cette Syrie de Sobal, qu’il a incendiées. La langue hébraïque ayant servi à la première rédaction des psaumes, consultons l’hébreu pour savoir le sens de ces différents noms. Au dire des interprètes, Mésopotamie signifie une vocation élevée. Déjà, le monde tout entier a été élevé par sa vocation. Syrie veut dire sublime, mais cette Syrie, qui était si haute, a été livrée au feu et réduite en cendres : puisse-t-elle se relever de son humiliation, comme elle a été d’abord précipitée, du haut de sa grandeur, dans l’abîme de la faiblesse et du mépris public ! Vaine vieillerie, voilà le sens du mot Sobal. Grâces soient rendues au Christ de ce qu’il l’a brûlée ! Lorsqu’on brûle de vieilles broussailles, de nouveaux bourgeons croissent à leur place ; et quand le feu a passé quelque part et qu’il a détruit les vieilles herbes sèches, on y voit pousser de nouvelles herbes, et plus vigoureuses, et plus abondantes, et plus vertes. Le feu apporté par le Christ dans le monde n’est pas à craindre, il ne consume que l’herbe sèche : or, toute chair n’est que

  1. Ps. 33,1
  2. 1 Sa. 21,13
  3. Rom. 10,4
  4. Eph. 5,8
  5. Mt. 27,37
  6. Jn. 18,38
  7. 2 Cor. 5,15
  8. Lc. 12,49