Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/678

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

besoin de ne pas te tromper toi-même et de persévérer jusqu’à la fin, jusqu’au moment où il accomplira ses promesses. « Dieu a parlé dans son saint ». Quel est ce saint qui est celui de Dieu ? « Dieu était dans le Christ, et il s’y réconciliait le monde[1] ». C’était celui dont il a été dit ailleurs : « O Dieu, toutes vos voies sont dans le saint[2]. Dieu a parlé dans son saint. Je me réjouirai et je diviserai les champs de Sichem ». Puisque Dieu l’a dit, l’événement aura lieu. C’est la parole de l’Église : « Dieu a parlé dans son saint ». Elle ne répète point simplement les paroles que Dieu a prononcées. Mais, puisque « Dieu a parlé dans son saint », et que les choses doivent nécessairement arriver comme il les a prédites, il est sûr qu’elles auront lieu. « Je me réjouirai et je diviserai les champs de Sichem, et je partagerai la vallée des tentes ». Sichem signifie épaules. Au rapport de l’historien sacré, lorsque Jacob revint de chez Laban, son beau-père, avec tous ses biens, il cacha en Sichem les idoles qu’il apportait de la Syrie, où il avait si longtemps séjourné et d’où il venait enfin de sortir pour retourner dans son pays natal[3]. Arrivé là, il y dressa quelques tentes pour abriter ses brebis et ses troupeaux, et il donna à cet endroit le nom de « tentes[4] ». Je diviserai ces tentes, dit l’Église. Que veulent dire ces mots : « Je partagerai Sichem ? » Si on les rapporte à ce trait de la vie de. Jacob relatif aux idoles qu’il cacha en Sichem, ces paroles désignent les Gentils. Je divise les Gentils. Qu’est-ce à dire : Je divise ? La foi n’est pas donnée à tous[5]. Qu’est-ce à dire : Je divise ? Les uns croiront, les autres ne croiront pas ; et pourtant, que ceux qui croient ne tremblent pas de ce qu’ils se trouvent au milieu des incroyants : ils sont aujourd’hui divisés par la foi ; au jugement dernier ils le seront encore, puisque les brebis seront placées à la droite et les boucs à la gauche[6]. Il nous est maintenant facile de comprendre comment l’Église divise Sichem. Mais, puisque Sichem signifie épaules, comment l’Église divise-t-elle les épaules ? Les épaules sont divisées en ce sens que, chez les uns, elles sont surchargées de péchés, et que, chez les autres, elles portent le joug du Christ. Car il réclamait des épaules dévouées, quand il disait : « Mon joug est doux et mon fardeau « est léger[7] ». Les autres fardeaux t’accablent et t’écrasent, mais celui du Christ te soulève ; les autres fardeaux t’appesantissent, celui du Christ, au contraire, te donne des ailes. Si tu ôtes à un oiseau ses ailes, il semblerait que tu le débarrasses d’un poids incommode ; et néanmoins plus tu l’en décharges, plus tu le condamnes et le forces à s’abattre. Tu avais voulu le soulager et tu n’as fait que l’empêcher de quitter la terre ; il ne vole plus, parce que tu l’as déchargé ; rends-lui son fardeau et il reprendra son essor. Ainsi en est-il du fardeau du Christ ; puissent les hommes ne point se laisser dominer par la paresse et se décider à le porter ! puissent-ils ne pas s’arrêter à considérer le nombre de ceux qui ne s’en chargent pas ! Que les hommes de bonne volonté le prennent sur leurs épaules, et ils verront par eux-mêmes combien il est doux, léger et agréable, combien il est puissant pour nous détacher de la terre et nous élever jusqu’au ciel. « Je diviserai Sichem, et je partagerai la vallée des tentes ». Par la vallée des tentes on entend le peuple juif, peut-être à cause des brebis qu’y amena Jacob ; ce peuple lui-même a été divisé, car ceux d’entre les Juifs qui se sont soumis à la foi chrétienne, sont sortis de là pour entrer dans l’Église ; les autres y sont restés et ne se sont point incorporés à Jésus-Christ.
9. « Galaad m’appartient ». Ces noms se trouvent dans les divines Écritures. Le mot Galaad s’explique aussi dans un sens particulier, et il renferme un grand mystère. Il veut dire : Monceau du témoignage. Quel monceau de témoignages on a vu dans les martyrs ! « Galaad m’appartient ». Je possède le monceau du témoignage : les vrais martyrs sont les miens. Que les autres meurent pour leur vieille vanité, leur mort sera dépourvue de la saveur du sel ; pourra-t-on dire alors qu’ils contribuent à grossir le monceau du témoignage ? Quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, mon sacrifice ne me sert de rien[8]. Dans un endroit de l’Évangile Jésus-Christ nous recommande de conserver la paix, mais auparavant il exige l’emploi du sel : « Ayez », dit-il, « du sel en vous ; ayez la paix entre vous[9] ». Donc, « Galaad m’appartient ». Mais Galaad, c’est-à-dire le monceau du témoignage, a été visiblement en butte à de grandes épreuves. En

  1. 2 Cor. 5,19
  2. Ps. 86,14
  3. Gen. 35,4
  4. Id. 33,17
  5. 2 Thes. 3,2
  6. Mt. 20,33
  7. Mt. 11,30
  8. 1 Cor. 13,3
  9. Mc. 9,49