Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/687

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elles naissent, croissent, arrivent à leur apogée, décroissent et finissent par disparaître : à la génération future dont nous ferons partie à la suite de notre résurrection ; alors, nous demeurerons avec Dieu dans notre habitation permanente, et nous y brillerons, non pas de l’éclat de la lune, mais de celui du soleil, suivant cette parole du Sauveur : « Alors les justes seront éclatants comme le soleil, dans le royaume de leur Père[1] ». Dans les saints Livres, la lune est le symbole de l’inconstance de notre condition mortelle. Celui qui tomba entre les mains des voleurs, descendait de Jérusalem à Jéricho ; or, Jéricho est un mot hébreu qui signifie Lune : cet homme quittait donc le séjour de l’immortalité pour descendre à celui de la mort ; voilà pourquoi il a été blessé en son chemin par les voleurs et laissé à moitié mort[2]. Cet homme n’était autre qu’Adam, le père commun de tous les hommes. Donc, « vous ajouterez jours sur jours à la vie du Roi, de génération en génération ». La première de ces générations désigne celle qui est sujette à la mort : c’est évident ; mais la seconde, dont tu as fait mention, que désigne-t-elle ? Le voici ; écoute-moi.
9. « Il demeurera éternellement en la présence de Dieu[3] ». En quel sens et pourquoi ? « Qui est-ce qui s’appliquera à connaître sa miséricorde et sa vérité pour lui ? » Il est encore dit ailleurs : « Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité pour ceux qui recherchent son alliance et ses préceptes[4] ». il y aurait pour nous un grand discours à vous adresser au sujet de la vérité et de la miséricorde divines : mais nous avons promis de ne pas vous parler longtemps. Je vais donc vous dire, en deux mots, ce que c’est que la vérité et la miséricorde. David dit beaucoup en disant que « toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité ». La miséricorde de Dieu consiste à considérer, non pas nos mérites, mais son infinie bonté ; par là il nous pardonne toutes nos fautes, et nous promet la vie éternelle : sa vérité consiste à nous donner ce qu’il nous a promis. Reconnaissons-le donc, et conduisons-nous en conséquence. Dieu nous a manifesté sa miséricorde et sa vérité ; sa miséricorde, en nous pardonnant toutes nos fautes ; sa vérité, en accomplissant toutes ses promesses à notre égard. Agissons de même, et montrons-nous miséricordieux et dévoués à la vérité ; miséricordieux envers les infirmes, les pauvres, et même nos ennemis ; dévoués à la vérité, en ne commettant pas le péché, en n’accumulant pas fautes sur fautes. Celui, en effet, qui se promet et attend beaucoup de la miséricorde de Dieu, se fait illusion à lui-même en ce sens qu’il fait de Dieu un partisan de l’injustice ; car il s’imagine qu’en persévérant dans l’iniquité, et en ne s’écartant pas de la voie mauvaise, il peut attendre en toute sécurité le jour du Seigneur, et se verra placé au paradis à côté des serviteurs fidèles du Très-Haut. De bonne foi, si tu persévères dans le mal, Dieu serait-il juste en te plaçant à côté de ceux qui se sont soigneusement éloignés du péché ? Veux-tu donc devenir injuste au point de rendre le Seigneur complice de ton injustice ? Veux-tu le forcer à plier selon ton bon plaisir ? Accommode plutôt ta volonté à la sienne. Celui qui conforme ses désirs aux ordres de Dieu, n’est-il pas de ce petit nombre d’hommes dont le Sauveur a dit : « Celui qui persévérera jusqu’à la fin, sera sauvé ? »[5] C’est donc avec raison que le Prophète s’est exprimé ainsi : « Qui est-ce qui s’appliquera à connaître sa miséricorde et sa vérité pour lui ? » « Pour lui » : quel est le sens de ce mot ? Ne suffirait-il pas de dire : « Qui est-ce qui s’appliquera ? » Dans quel but ajouter : « Pour lui ? » C’est que beaucoup cherchent dans les livres la connaissance de sa miséricorde et de sa vérité ; et quand ils l’ont acquise, ils vivent encore pour eux, et non pour lui ; ils cherchent leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ[6]. Ils prêchent la miséricorde et la vérité, et dans leur conduite, on n’aperçoit ni vérité ni miséricorde. Ils les connaissent toutes les deux, puisqu’ils en font le sujet de leurs prédications ; ils ne seraient nullement capables d’en parler, s’ils n’en avaient acquis la connaissance. Mais quand on aime Dieu et Jésus-Christ, et qu’on prêche leur miséricorde et leur vérité, on les prêche et on les recherche pour eux, et non pour soi-même ; ou ; pour m’exprimer plus clairement, au lieu de les annoncer dans l’intention d’en tirer quelque avantage temporel ; on les prêche pour le bénéfice spirituel des membres du Sauveur, c’est-à-dire de ses fidèles serviteurs : on communique en toute simplicité aux autres ce qu’on

  1. Mt. 13,13
  2. Lc. 10,30
  3. Ps. 60,8
  4. Id. 24,10
  5. Mt. 24,13
  6. Phil. 2,21