Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/269

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ôtera même ce qu’il possède. Il a la grâce de posséder quelque don, mais il n’a pas la charité qui en use. Aussi voulut-il inculquer cette charité à ses disciples, afin de les faire marcher dans le ciel comme des étoiles dans la voie suréminente, celui qui compte les étoiles et les appelle par leurs noms. En effet, un jour ces disciples revinrent de la mission qu’il leur avait confiée, et dans leur joie ils s’écriaient : « Seigneur, voilà que les esprits immondes nous sont soumis à cause de votre nom ». « Mais celui qui compte les étoiles, et les appelle par leurs noms », sachant bien que plusieurs diront : N’avons-nous pas chassé les démons en votre nom ? et qu’on leur répondra au dernier jour : « Je ne vous connais point », parce qu’il ne les avait point comptés parmi les étoiles, ni appelés par leurs noms, celui-là, dis-je, leur répondit : « Ne vous réjouissez point de ce que les esprits vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans le ciel[1]. C’est lui qui compte les étoiles si e nombreuses et les appelle par leurs noms. »
11. « Notre Dieu est grand ». Le Prophète est plein de joie, il la répand d’une manière ineffable. Impuissant à parler, il avait du moins la pensée autant qu’il en était capable. « Notre Seigneur est grand, grande est sa puissance, et sa sagesse n’a point de nombre[2] ». On ne saurait compter celui qui suppute le grand nombre des étoiles. « Grand est notre Dieu, grande sa puissance, et osa sagesse n’a point de nombre ». Qui pourrait exposer le sens de ces paroles ? Qui pourrait même comprendre d’une manière convenable cette parole : « Et sa sagesse n’a point de nombre ? » Dieu veuille se répandre lui-même dans vos âmes, et suppléer dans sa puissance à notre faiblesse, éclairant lui-même vos esprits, afin que vous compreniez ce que signifie « La sagesse n’a point de nombre ». Peut-on, mes frères, compter les grains de sable ? Impossible à nous, Dieu seul le peut. Lui qui a compté les cheveux de notre tête[3], peut aussi compter les grains de sable. Tout ce qu’il y a d’infini dans ce monde, peut bien être infini pour les hommes, et non toutefois pour Dieu ; c’est peu dire, pour Dieu, les anges peuvent le compter : « Son intelligence n’a point de nombre ». Au-dessus de tous les calculs est son intelligence, et nous ne saurions la compter. Qui peut compter le nombre même ? C’est du nombre que l’on se sert pour compter, et quel que soit votre calcul vous prenez le nombre ; mais qui comptera le nombre même ? il est tout à fait innombrable. Qu’est-ce donc en Dieu que ce nombre, par lequel il a tout fait, et où il a tout fait, pour qu’on lui dise : « Vous avez réglé toutes choses avec mesure, avec nombre et avec poids[4] ? » Qui pourrait évaluer le nombre, supputer la mesure, peser la pesanteur où Dieu a tout réglé ? « Son intelligence donc n’a point de nombre ». Que la voix de l’homme se taise, que sa pensée devienne muette ; que les hommes ne s’efforcent peint de comprendre ce qui est incompréhensible ; qu’ils tâchent seulement d’y avoir une part, puisque nous y aurons part un jour. Nous ne serons point ce que nous comprenons, et nous ne pourrons le comprendre entièrement, mais nous en ferons partie ; car il est dit de Jérusalem, dont Dieu rassemble les débris dispersés, il est dit une parole d’un grand sens : « Jérusalem qui est construite comme une cité, et dont les habitants participent à ce qui est le même[5] ». Or, qu’est-ce à dire, ce qui est le même, sinon ce qui ne change point ? Tout ce qui est créé peut être d’une manière ou d’une autre ; mais celui qui a tout créé ne saurait être de telle ou telle manière. Celui-là est donc le même ; aussi est-il dit : « Vous les changerez, et ils seront changés ; mais vous êtes toujours le même, et vos années ne finiront point[6] ». Si donc Dieu est toujours le même, s’il ne peut changer ; en participant à sa divinité, nous deviendrons immortels à notre tour, et pour la vie éternelle. Et tel est le gage qu’il nous a donné en son Fils, comme je le disais tout à l’heure à votre sainteté, qu’avant de nous donner part à son immortalité, il a voulu prendre part à notre mortalité. Et comme il était mortel, non par sa propre substance, mais par la nôtre ; de même nous serons immortels, non par notre substance, mais par la sienne. Nous aurons donc part en Dieu ; que nul n’en doute ; l’Écriture nous l’affirme. Et quelle part aurons-nous en Dieu, comme si Dieu était en plusieurs parts indivisibles ? Qui pourra m’expliquer comment plusieurs pourront avoir part en celui qui est un, qui est simple ? N’exigez pas de moi que je vous

  1. Lc. 10,17-20
  2. Ps. 146,5
  3. Mt. 10,30
  4. Sag. 11,21
  5. Ps. 121,3
  6. Id. 101,27-28