Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/307

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sommes tombés dans le péché, nous tombons aussi dans la vieillesse. Car c’est nous qui parlons dans ce même psaume, où il est dit avec gémissement : « J’ai vieilli au milieu de mes ennemis[1] ». L’homme est vieilli par le péché, il est rajeuni par la grâce. Qu’ils chantent dès lors un cantique nouveau, ceux qui sont renouvelés dans le Christ, commençant ainsi d’appartenir à la vie éternelle.
2. Et ce cantique est celui de la paix, le cantique de l’amour. Quiconque se sépare de l’assemblée des saints, ne chante pas le cantique nouveau. Il s’attache en effet à la haine qui est antique, et non à l’amour qui est nouveau. Que trouvons-nous dans l’amour nouveau, sinon la paix, le lien d’une société sainte, une union spirituelle, un édifice de pierres vivantes ? Où rencontrer cela ? Non point dans un seul endroit, mais dans l’univers entier. Écoute à ce sujet un autre psaume : « Chantez au Seigneur un cantique nouveau ; toute la terre, chantez au Seigneur[2] ». De là nous pouvons comprendre que celui qui ne chante pas avec toute la terre, ne chante point un cantique nouveau, quelles que soient les paroles qui sortent de sa bouche. À quoi bon écouter le son de la voix, quand je connais la pensée ? Mais vous, dira-t-on, connaissez-vous la pensée ? Les actes me l’apprennent. Qu’un homme soit surpris en flagrant délit de vol, d’homicide, d’adultère, sans voir ses pensées dans son cœur, on les connaît par ses actes. Il est beaucoup de pensées qui demeurent dans notre intérieur ; mais il en est beaucoup qui passent dans nos œuvres, et qui deviennent évidentes pour les hommes. Pour ces hommes qui ont brisé avec le Christ les liens de la charité, quand ils n’étaient corrompus qu’à l’intérieur, Dieu seul les connaissait. Mais l’épreuve est survenue, les a séparés et a montré aux hommes ce qui n’était connu que de Dieu. Ou ne juge du fruit que par les œuvres. De là cette parole de l’Évangile « Vous les connaîtrez à leurs fruits[3] ». Ainsi disait le Seigneur, à propos de ceux qui revêtent la peau des brebis, et qui ne sont à l’intérieur que des loups ravissants ; et de peur que l’humaine fragilité ne nous empêche de reconnaître le loup sous la peau d’une brebis, le Sauveur ajoute : « Vous les « connaîtrez à leurs fruits ». Nous cherchons le fruit de la charité, et nous trouvons les épines de la division. « Vous les connaîtrez à leurs fruits ». Leur cantique est donc l’ancien, chantons le cantique nouveau. Nous vous l’avons dit déjà, mes frères, toute la terre chante le nouveau cantique. Quiconque ne chante point le nouveau cantique avec toute la terre, pourra chanter ce qu’il voudra, sa langue pourra proférer l’ Alléluia; qu’il le chante, et le jour et la nuit, mes oreilles ne s’arrêteront point au bruit de ses chants, je m’arrêterai à ses œuvres. Que j’interroge l’un d’eux, que je lui dise : Quel est ton chant ? Alléluia, me répond-il. Que signifie Alléluia ? Louez le Seigneur. Viens, louons le Seigneur ensemble. Si tu loues le Seigneur, moi aussi je loue le Seigneur ; pourquoi serions-nous en désaccord ? La charité loue le Seigneur, la discorde lui jette le blasphème.
3. Et voulez-vous savoir où vous devez chanter ce nouveau cantique ? Voyez où s’accomplit et comment s’accomplit ce que va dire le Psalmiste ; voyez si c’est dans toute la terre, ou seulement dans une partie du monde, et vous jugerez mieux ensuite à qui appartient le nouveau cantique. Vous savez déjà ce que je viens de citer d’un autre psaume : « Chantez au Seigneur un cantique nouveau ». Et pour vous montrer qu’il y a dans ce cantique nouveau un fruit de la charité et de l’unité, le Prophète ajoute : « Que toute la terre chante au Seigneur ». Que nul ne se sépare, que nul ne se divise ; si tu es froment, supporte la paille jusqu’à ce qu’elle soit vannée. Pourquoi veux-tu sortir de l’aire ? Fusses-tu le plus noble froment, si tu es en dehors de l’aire, les oiseaux te trouveront et t’amasseront[4]. Ajoute à cela que sortir de l’aire et t’envoler prouve que tu n’es que paille, et à cause de cette légèreté, le vent est venu t’enlever de dessous les pieds des bœufs. Ceux, au contraire, qui sont le bon grain, souffrent qu’on les foule : ils se réjouissent d’être le froment, gémissent parmi la paille, attendent celui qui doit vanner, qu’ils regardent comme le Rédempteur. « Chantez au Seigneur un nouveau cantique ; sa louange est dans l’Église des saints ». Or, cette Église des saints est l’Église du froment répandu dans le monde entier, et semé dans le champ du Seigneur qui est le monde

  1. Ps. 6,8
  2. Id. 95,1
  3. Mt. 7,16
  4. Mt. 3,12