qu’il reçoive ce dont il s’agit. Mais, direz-vous peut-être que je vous suis plus présent que Dieu ? Loin de vous une telle pensée Dieu vous est beaucoup plus présent ; car si j’apparais à vos regards, il gouverne vos consciences, À moi vos oreilles, à lui votre cœur, afin que tout se remplisse. Vous dirigez vers nous vos yeux et les sens de votre corps ; mais non, ce n’est pas vers nous, car nous ne sommes pas une de ces montagnes dignes d’être regardées ; mais c’est vers l’Évangile, vers l’Évangéliste lui-même ; pour votre cœur, élevez-le vers le Seigneur afin qu’il le remplisse. Que chacun l’élève de manière à savoir ce qu’il élève, vers quoi il l’élève. Qu’ai-je dit ? Ce qu’il élève et vers quoi il l’élève ? Qu’il considère quel cœur il élève ; car il l’élève vers le Seigneur, et il doit prendre garde qu’alourdi parle poids des voluptés charnelles, ce cœur ne tombe avant même d’avoir été soulevé. Mais chacun se voit-il chargé du fardeau de sa chair ? Que du moins il s’applique à purifier par la continence ce qu’il élève vers Dieu. Bienheureux, en effet, ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu[1].
8. Aussi bien, à quoi bon avoir proféré ces paroles : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ? » Nous aussi, nous en avons proféré au moment où nous parlions. La parole qui est en Dieu, leur ressemblerait-elle ? Nos paroles n’ont-elles pas retenti pour s’évanouir ensuite ? La parole de Dieu résonne-t-elle de même, et disparaît-elle aussi ? Comment alors toutes choses ont-elles été faites par elle, et rien n’a-t-il été fait sans elle ? Comment gouverne-t-elle ce qu’elle a créé, si elle est un bruit qui a résonné et qui a passé ensuite ? Quelle est donc cette parole qui se dit et ne passe pas ? Que votre charité soit attentive, le sujet le mérite par son importance. Nous par. Ions tous les jours, et nos paroles perdent leur valeur ; en effet, elles font un peu de bruit, puis elles disparaissent, et, à cause de cela, on y attache peu de prix, et on ne les considère que comme des paroles. Or, il y a dans l’homme une parole qui demeure à l’intérieur ; car, pour le son, il sort de la bouche pour se produire au-dehors. Il est une parole véritablement prononcée par l’esprit, dont la parole matérielle te donne une idée, mais qui n’est pas le son lui-même. Quand je dis Dieu, je profère une parole. Qu’elle est courte cette parole ! Quatre lettres et deux syllabes ! Quatre lettres et deux syllabes, est-ce là Dieu tout enlier ? Ne voyez-vous pas qu’autant cette parole est peu de chose en elle-même, autant est digne d’amour ce qu’elle signifie ? Que s’est-il passé dans ton cœur lorsque tu as entendu le mot : Dieu ? Que s’est-il passé dans le mien lorsque je disais : Dieu ? Une grande et souveraine substance est devenue le sujet de ma pensée, substance élevée au-dessus de toute créature muable, charnelle et animale. Et si je te demande : Dieu est-il muable ou immuable ? tu me répondras aussitôt : Loin de moi de croire ou de soupçonner quelque mutabilité en Dieu : Dieu est immuable. Ton âme est petite, elle est peut-être encore charnelle, par conséquent elle n’a rien pu me répondre au sujet de Dieu, sinon qu’il est immuable, Comment donc ton intelligence a-t-elle été capable de porter ses regards sur un être supérieur à toutes les créatures, de manière à ce que tu me répondes avec certitude que Dieu est immuable ? Qu’y a-t-il donc en ton cœur, quand tu penses à une substance vivante, perpétuelle, toute-puissante, infinie, partout présente, partout entière et nulle part enfermée ? Cette pensée, c’est la parole venue de Dieu en ton cœur. Pourtant est-ce là le son formé de quatre lettres et de deux syllabes ? Donc, ce qui se dit et passe, c’est le son, les lettres, les syllabes. En tant que la parole passe, elle est un son ; mais l’idée signifiée par le son, l’idée qui reste dans la pensée de celui qui parle et dans l’intelligence de l’auditeur, demeure toujours bien que le son disparaisse.
9. Ramène ton attention sur cette parole. Suppose que tu as dans l’esprit une parole, qui soit comme une pensée issue de ton intelligence, en sorte que ton âme semble engendrer cette pensée, et que celle-ci se trouve en ton intelligence comme son enfant, comme son fils. D’abord, ton esprit conçoit une pensée, celle de construire un édifice, d’élever sur terre un immense bâtiment. Celte pensée a déjà donc pris naissance, mais l’ouvrage que tu médites de faire, n’est pas encore accompli : tu vois ce que tu dois faire, mais personne autre ne peut l’admirer, si tu ne le fais pas, si tu ne construis point ton édifice, si tu n’amènes pas ton bâtiment au degré de perfection qu’il doit atteindre sous le ciseau
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