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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/330

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choses ont été faites, possède en elle-même l’archétype de tous les êtres antérieurement à leur création ; d’où il suit que ce qui se fait d’après cet archétype n’est pas vie pour cela. Mais tout ce qui a été fait est vie en Dieu. Tu vois la terre, cette terre existe aussi dans l’idée de Dieu ; tu vois le ciel, le ciel existe aussi dans la pensée de Dieu ; tu vois le soleil et la lune, ils y existent aussi. Mais tels que tu les vois au-dehors, ils sont des corps ; tels qu’ils se retrouvent dans la pensée de Dieu, ils sont vie. Comprenez comme vous le pourrez ; car ce que je viens de vous dire est grand. S’il ne tire pas de moi sa grandeur et que je ne puisse y contribuer en aucune façon, il la puise dans son objet même. Je suis, en effet, trop peu de chose pour vous tenir de moi-même un pareil langage ; mais celui vers qui je porte mes regards afin de pouvoir vous parler, ne peut m’être comparé. Que chacun prenne ce qu’il peut, autant qu’il le peut ; pour celui qui ne peut rien prendre, qu’il nourrisse son cœur afin de pouvoir. De quoi le nourrir ? Qu’il le nourrisse de lait, afin d’en venir ensuite à une alimentation plus solide. Qu’il ne s’éloigne pas de Jésus-Christ, né selon la chair, jusqu’à ce qu’il parvienne à Jésus-Christ, né d’un Dieu unique, Verbe Dieu, demeurant en Dieu, par qui toutes choses ont été faites, parce que c’est la vie qui en lui est la lumière des hommes.
18. Car voici ce qui suit : « Et la vie était la lumière des hommes » ; en effet, c’est cette même vie qui les éclaire. Les bêtes n’ont pas cette lumière, parce qu’elles n’ont pas d’âme raisonnable capable de voir la sagesse. Mais l’homme, fait à l’image de Dieu, a une âme raisonnable par laquelle il peut la percevoir. Donc, cette vie par laquelle toutes choses ont été faites, cette même vie est lumière, non pas la lumière des animaux quels qu’ils soient, mais la lumière des hommes. Aussi l’Évangéliste dit peu après : « Elle était la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde ». Jean-Baptiste a été éclairé par cette lumière comme aussi Jean l’Évangéliste. De cette lumière était rempli celui qui a dit : « Je ne suis pas le Christ, mais c’est celui qui vient après moi, et dont je ne suis pas digne de délier, les cordons des souliers [1] ». De cette lumière était éclairé celui qui a dit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Donc cette vie est la lumière des hommes.
19. Mais peut-être des cœurs insensés se trouvent-ils dans l’impossibilité de recevoir les rayons de cette lumière parce qu’ils sont appesantis par leurs péchés, qui leur en interceptent la vue. De ce qu’ils sont incapables de l’apercevoir, qu’ils n’aillent pas croire à sa non-existence, car ils sont devenus ténèbres à cause de leurs fautes : « Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas comprise ». De même qu’un aveugle, placé en face du soleil, est absent pour lui, quoique celui-ci l’inonde de ses rayons ; ainsi tout insensé, tout pécheur, tout impie est aveugle en son cœur. La sagesse est devant lui, mais comme elle brille aux yeux d’un aveugle, elle est pour lui comme absente. Non qu’elle soit absente à lui, mais parce que lui est absent d’elle. Que lui faut-il donc faire ? Qu’il purifie ce qui peut lui faire voir Dieu. Si un homme ne peut voir parce qu’il a les yeux souillés et malades, parce que la poussière, l’humeur ou la fumée viennent les obscurcir, le médecin lui dit : Nettoie tes yeux, ôte ce qu’il y a en eux de mauvais, afin qu’ils puissent voir la lumière. La poussière, l’humeur, la fumée, ce sont tes péchés et tes fautes. Ôte-les de ton cœur, et tu apercevras la sagesse qui est toujours présente devant toi ; car Dieu est cette sagesse, et il est écrit : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu[2] ».

  1. Jn. 1, 9, 20, 27
  2. Mt. 5, 8