Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/347

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bon les accents des Apôtres, les cantiques du Psalmiste, les prédictions des Prophètes ? En tout cela Jésus-Christ ne se tait pas. Aujourd’hui il se tait en ce qu’il ne se venge pas mais il ne se tait pas sous le rapport de notre instruction. Un jour il viendra, il se manifestera pour la vengeance ; il apparaîtra à tous, même à ceux qui ne croient pas en lui. En attendant, comme il était caché aux yeux des hommes, bien qu’il se trouvât au milieu d’eux, il fallait qu’on le méprisât ; car si on ne l’avait pas méprisé, on ne l’aurait pas crucifié ; s’il n’avait pas été crucifié, il n’eût point répandu ce sang au prix duquel il nous a rachetés. Afin de pouvoir donner pour nous cette rançon, il a été crucifié ; pour être crucifié, il a été méprisé ; pour être méprisé, il s’est fait voir dans un état d’humiliation.
3. Cependant, parce qu’il s’est montré dans un corps mortel, comme dans les ombres de la nuit, il a allumé une lampe afin qu’elle aidât à le voir. Cette lampe était Jean, dont je vous ai déjà beaucoup parlé [1]. Et la leçon de l’Évangile que nous venons d’entendre renferme les paroles de Jean, et d’abord cette importante confession qu’il n’était pas le Christ. Telle était l’excellence de Jean, qu’on aurait pu aisément le prendre pour le Christ, et ç’a été la preuve de son humilité, que pouvant être pris pour le Christ, il a déclaré qu’il ne l’était pas. « Voici donc le témoignage de e Jean, quand les Juifs envoyèrent vers lui, de Jérusalem, des prêtres et des lévites pour lui demander : Qui êtes-vous ? » ce qu’ils n’auraient point fait s’ils n’avaient eu une haute idée de son excellence et de l’autorité qui lui donnait la hardiesse de baptiser. « Et il confessa, et il ne le nia pas ». Que confessa-t-il ? « Et il confessa qu’il n’était pas le Christ ».
4. « Et ils lui demandent : Qui donc es-tu ? « Es-tu Élie ? » Car ils savaient qu’Élie devait précéder le Christ chez les Juifs ; le nom du Christ n’était inconnu de personne. Ils n’ont pas reconnu pour le Christ celui qui l’était véritablement ; mais ils n’ont pas cru que le Christ ne dût jamais venir. Tout en espérant qu’il viendrait, ils n’ont pas laissé de se heurter à sa présence, quand il est venu parmi eux : ils se sont heurtés à ses abaissements comme à une pierre. Quoique petite encore, cette pierre était déjà détachée de la montagne, sans le secours de main d’homme. C’était d’elle que parlait le prophète Daniel quand il disait avoir vu une pierre détachée de la montagne, sans le secours de main d’homme. Mais que dit-il ensuite ? « Et cette pierre vint à grossir, et elle devint une grande montagne, et elle couvrit la surface de la terre [2] ». Que votre charité remarque ce que je dis : mis en présence des Juifs, le Christ était détaché de la montagne ; cette montagne était leur royaume. Toutefois, le royaume des Juifs ne couvrait pas la surface de la terre. C’est de là qu’a été séparée la pierre, parce que c’est de là qu’est sorti selon la chair Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et pourquoi sans le secours de main d’homme ? Parce qu’une vierge l’a enfanté sans le secours de l’homme. Cette pierre était donc déjà détachée de la montagne sans le secours de main d’homme, puisqu’elle se trouvait placée sous les yeux des Juifs ; mais elle était encore toute petite. En cela, rien d’étonnant ; car elle n’était pas encore devenue grande ; elle n’avait pas encore rempli l’univers. Le Christ l’a fait plus tard avec son royaume qui est l’Église ; car il a couvert la surface de la terre. Comme donc il n’avait pas encore pris tout son développement., les Juifs se sont heurtés à lui comme à une pierre ; et ainsi s’est vérifié en eux ce qui est écrit : « Celui qui tombera sur cette pierre s’y brisera, et ceux sur lesquels elle tombera, elle les écrasera[3] ». D’abord ils sont tombés sur Jésus-Christ humilié, il viendra tomber sur eux du haut de sa grandeur ; mais pour que sa grandeur les écrasât un jour, il a fallu qu’auparavant son humilité les brisât. Ils se sont heurtés à lui et s’y sont brisés ; il les a non pas broyés, mais brisés ; il viendra dans sa grandeur et il les brisera. Or, les Juifs sont excusables de s’être heurtés à cette pierre car elle était encore petite. Mais qui sont ceux qui se sont heurtés à la montagne elle-même ? Ceux dont je veux vous parler, vous les connaissez. Ceux qui nient l’Église répandue par tout l’univers ; ce n’est pas a la petite pierre qu’ils se heurtent, c’est à la montagne elle-même ; car, en grandissant, cette pierre est devenue une montagne : en raison de leur aveuglement, les Juifs n’ont pas vu la petite pierre ; mais de quelle cécité ne faut-il pas être frappé pour ne pas voir la montagne ?

  1. Jn. 5, 35
  2. Dan. 2, 34-35
  3. Lc. 20, 18