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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/407

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ONZIÈME TRAITÉ

(Prêché un peu avant Pâques, d’après le n° 1, et un dimanche, d’après le traité suivant n° 1.)

DEPUIS L’ENDROIT OÙ IL EST ÉCRIT : « PENDANT QUE JÉSUS ÉTAIT À JÉRUSALEM, À LA FÊTE DE PÂQUES, PLUSIEURS CRURENT EN LUI », JUSQU’À « SI QUELQU’UN NE RENAÎT DE L’EAU ET DU SAINT-ESPRIT, IL NE PEUT ENTRER DANS LE ROYAUME DE DIEU ». (Chap. 2, 23-25 ; 3, 1-5).

LA SECONDE NAISSANCE.

Beaucoup croyaient au Christ, mais il ne se fiait pas à eux ; ils croyaient en lui à cause de ses miracles. De ce nombre fut Nicodème, fidèle image des catéchumènes Cet homme vint de nuit à Jésus pour être éclairé. Il avait encore des pensées charnelles ; c’est pourquoi il ne jugeait point sainement des choses spirituelles et ne comprenait pas qu’il pût y avoir une seconde naissance puisée en Dieu et dans l’Église. Comme la naissance corporelle, la naissance spirituelle est unique. Ainsi, parmi les enfants d’Abraham d’Isaac et de Jacob, il s’en est trouvé pour recevoir la vie d’une esclave, et qui ont néanmoins hérité de leur père ; d’autres étaient nés d’une mère libre et n’ont eu aucune part à l’héritage paternel. De même, parmi les enfants de l’hérésie plusieurs seront sauvés, et parmi ceux de l’Église catholique plusieurs seront condamnés L’hérétique et le catholique doivent donc, pour parvenir au salut, non pas lutter avec celui qui a reçu le baptême catholique et qui vit spirituellement, comme Israël luttait avec Isaac, et Esaü avec Jacob ; mais se rapprocher de lui par la soumission et s’unir à lui par les liens de la charité.


1. Le Seigneur nous a ménagé l’heureuse occasion de lire aujourd’hui ce passage, tout en suivant l’ordre que nous nous sommes tracé ; car votre charité doit l’avoir remarqué, nous avons entrepris de méditer et de traiter, par ordre, toutes les parties de l’Évangile selon saint Jean. C’est donc une favorable coïncidence que vous ayez entendu lire aujourd’hui ces paroles de l’Évangile : « Si un homme ne renaît de l’eau et de l’esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu ». Le moment est en effet venu de vous exhorter, vous qui êtes encore catéchumènes et qui, malgré votre foi en Jésus-Christ, portez cependant encore le poids de vos péchés. Or, aucun homme chargé de ses péchés ne verra le royaume de Dieu ; aucun homme, si ce n’est celui à qui ils auront été remis, ne régnera avec le Christ ; et ils ne peuvent être remis qu’à celui qui renaît de l’eau et de l’Esprit. Mais examinons attentivement la teneur de ces paroles, afin que ceux qui sont négligents à se débarrasser du fardeau de leurs fautes, apprennent avec quel empressement ils doivent le faire. Ah ! s’ils portaient quelque lourd fardeau, comme du bois, des pierres, fût-ce même quelque objet de valeur, comme du blé, du vin ou de l’argent, combien ils auraient hâte de s’en défaire ! Ils portent le fardeau de leurs péchés, et ils ne montrent aucun empressement à s’en décharger. Il n’y a pas de temps à perdre, il leur faut s’alléger au plus vite, ce fardeau les écrase et les enfonce dans l’abîme.
2. Vous venez de l’entendre : Pendant que Jésus-Christ Notre-Seigneur « était à Jérusalem à la fête de Pâques, plusieurs crurent en son nom, voyant les miracles qu’il faisait ». « Beaucoup crurent en son nom ». Que lisons-nous ensuite ? « Cependant Jésus ne se fiait pas à eux ». Que signifie ce langage ? Ils croyaient en son nom et « Jésus ne se fiait pas à eux ? » Est-ce que par hasard ils ne croyaient pas en lui, tout en feignant d’y croire ? Était-ce à cause de cela que Jésus ne se fiait pas à eux ? Mais l’Évangéliste ne dirait pas : « Plusieurs crurent en son nom », s’il n’avait dessein de témoigner que leur foi était véritable. Voilà une mystérieuse chose, une chose vraiment singulière : il y a des hommes qui croient en Jésus-Christ, et Jésus ne se fie pas à eux. C’est précisément parce que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, qu’il a volontairement souffert ; s’il n’y avait pas consenti, il n’aurait pas souffert, de même que, s’il l’eût voulu, il ne serait pas né ; il aurait pu vouloir naître, mais sans vouloir mourir ; et tout se serait accompli selon sa volonté, par cette raison qu’il est le Fils tout-puissant d’un Père tout-puissant. Prouvons-le par des