Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/415

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les trois jeunes gens, et les hérétiques ne permettent pas à des rois chrétiens de sévir quand on veut faire disparaître Jésus-Christ ; Jésus-Christ qui préserve du feu éternel, non pas trois enfants, mais l’univers tout entier et les rois avec lui ? Car, remarquez-le, mes frères, Dieu n’a préservé ces trois enfants que d’un feu passager. Le Dieu des Macchabées n’était-il pas le même que celui des trois jeunes hébreux ? Ceux-ci ont été mis à l’abri des flammes, les autres ont perdu sur dus bûchers la vie de leur corps ; mais en revanche leur âme a persévéré dans l’observation des commandements de la loi. Les premiers ont été ostensiblement délivrés, les autres ont été couronnés, mais d’une manière cachée [1]. Mieux vaut être délivré des flammes de l’enfer que d’un feu allumé par les hommes. Si donc le roi Nabuchodonosor a loué Dieu, a célébré son nom et lui a rendu gloire parce qu’il avait délivré des flammes ces trois jeunes gens ; s’il l’a honoré, au point de publier ce décret par tout son royaume : « quiconque blasphémera le Dieu de Sidrac, de Misach et d’Abdénago, il sera mis à mort et sa maison ravagée », les princes chrétiens pourraient-ils demeurer dans une froide inaction, quand ils voient, non pas trois enfants délivrés d’une fournaise, mais leurs propres personnes mises à l’abri des flammes de l’enfer ; quand ils s’aperçoivent qu’on veut faire disparaître du milieu des chrétiens le Christ, leur libérateur ; quand ils entendent donner à un chrétien ce conseil : Dis que tu n’es pas chrétien ? Voilà ce que les hérétiques trouvent bon de faire ; mais ils ne trouvent pas bon qu’on les en punisse.
15. Considérez cependant ce qu’ils font et ce qu’ils endurent. Ils tuent les âmes et on les châtie dans leur corps ; ils donnent la mort éternelle, ils se plaignent de souffrir la mort temporelle. Et pourtant, que souffrent-ils ? Ils nous vantent sans cesse je ne sais quels martyrs que leur aurait faits la persécution. Par exemple, un Marcule précipité du haut d’un rocher ; un Donat de Bagaïes, jeté dans un puits. Quand les autorités romaines ont-elles ordonné des supplices de ce genre ? À quelle époque ont-elles fait jeter un coupable dans un précipice ? Qu’est-ce que répondaient les nôtres ? J’ignore ce qui s’est passé ; mais encore une fois, que répondent les nôtres ? Selon eux, ces martyrs se sont précipités eux-mêmes, et ils ont fait retomber sur les autorités l’odieux de leur mort. Rappelons-nous la manière dont agissent ordinairement les autorités romaines, et voyons à qui il faut en croire. Les nôtres disent qu’ils se sont précipités eux-mêmes ; mais puisqu’ils ne sont pas les disciples de ceux qui ont choisi ce genre de mort sans y être contraints par personne, ne les croyons pas ; toutefois, y a-t-il rien d’étonnant à ce qu’ils aient fait ce qu’on fait d’ordinaire dans leur parti ? Jamais les autorités romaines n’ont usé de ce genre de supplice. Qu’est-ce, d’ailleurs, qui les empêchait de les faire mourir en public ? Rien. Mais ceux qui ont voulu se faire honorer après leur mort, n’ont pas imaginé de moyen plus capable de se rendre illustres. Quoi qu’il en soit, au fond, je l’ignore. En tous cas, ô Donatistes, si l’Église vous a infligé quelque châtiment corporel, c’est Sara qui a puni en vous Agar ; « revenez à votre maîtresse ». Il nous a fallu nous arrêter ici trop longtemps pour qu’il nous soit maintenant loisible de vous expliquer en entier tout le texte évangélique dont nous vous avions donné lecture. Mes frères, que ceci suffise à votre charité ; car ce que nous vous dirions maintenant pourrait vous faire oublier ce que nous vous avons dit. Retenez-le, répétez-le, sortez d’ici plein d’un feu qui enflamme les plus froids.

  1. 2 Mac. 7,1 et suiv.