Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/487

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elle est tout à la fois l’œuvre du Père et celle du Fils. Je vois l’un et l’autre accomplir ici la même œuvre, le Père demeurant inséparablement uni au Fils, et le Fils ne se séparant nullement du Père. Ainsi, tout ce que fait le Fils, il ne le fait que conjointement avec le Père, parce que le Père ne fait rien qu’il ne le fasse avec le Fils.

7. Nous voilà sortis de là. Remarquez-le nous nous exprimons avec justesse en disant que les œuvres du Père, du Fils et du Saint-Esprit sont celles de ces trois personnes en même temps. Selon ta manière de voir, Dieu a fait la lumière, et le Fils la lui a vu faire ainsi le comprends-tu d’une manière toute charnelle, toi qui veux considérer le Fils comme inférieur au Père, à cause de ces paroles : « Le Fils ne peut rien faire par lui-même que ce qu’il a vu faire au Père ». Dieu le Père a fait la lumière : quelle autre lainière le Fils a-t-il faite ? Dieu le Père a fait le firmament, ce ciel placé entre les eaux et les eaux, Le Fils l’a vu : c’est ainsi que tu conçois les choses avec ton esprit lourd et grossier : puisque le Fils a vu son Père créer le firmament, et qu’il a dit : « Le Fils ne peut rien faire par lui-même, qu’il ne l’ait vu faire au Père ». Montre-moi donc un autre firmament. N’as-tu point perdu ton point d’appui ? Bâtis sur le fondement des Apôtres et des Prophètes, tandis que Jésus-Christ est lui-même la principale pierre de l’angle, les fidèles trouvent dans le Sauveur une paix profonde [1]. Ils ne disputent point, et ne se jettent plus dans les erreurs de l’hérésie. Nous comprenons que si le Père a fait la lumière, il l’a faite par le Fils : le firmament est sorti de ses mains par l’opération du Fils : « Car toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n’a été fait ». Débarrasse-toi donc de ce que j’appellerais, à coup sûr, non pas ton intelligence, mais ta sottise. Dieu le Père a créé le monde : quel autre monde a-t-il créé par son Fils ? Dis-moi où est ce monde créé par le Fils ? Le monde où nous vivons, de qui, du Père ou du Fils, est-il l’œuvre ? Par lequel des deux a-t-il été fait ? Dis-le-nous. Si tu réponds : par le Fils et non par le Père, tu te sépares du Père. Si, au contraire, tu dis par le Père, et non par le Fils, voici ce que t’oppose l’Évangile : « Et le monde a été fait par lui, et le monde ne l’a pas connu[2] ». Reconnais donc Celui par qui le monde a été fait, et ne te mets pas au nombre de ceux qui n’ont pas connu le Créateur du monde.

8. Le Père et le Fils agissent donc par ensemble. Mais voici : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même ». Ainsi en serait-il, si le Sauveur disait : Le Fils n’existe pas de lui-même. En effet, s’il est le Fils, il est né ; et s’il est né, il tient son existence de celui qui l’a engendré. Pourtant, le Père a engendré son égal, rien ne lui a manqué pour cela : puisqu’il engendrait un Fils coéternel à lui-même, le temps ne lui était pas nécessaire ; et puisqu’il engendrait de lui-même son Verbe, il n’avait à cet effet nul besoin de l’intermédiaire d’une femme. Dès lors, enfin, qu’il n’engendrait point un Fils inférieur à lui, il lui était inutile d’être plus avancé en âge. Quelqu’un dira peut-être que Dieu a eu son Fils dans sa vieillesse, après un grand nombre de siècles. Il n’y a eu ni vieillesse chez le Père, ni accroissement chez le Fils ; l’un n’a point fléchi sous le poids des années, l’autre n’a pas grandi : le Père a engendré son égal ; éternel, il a engendré un Fils éternel comme lui. Comment, dira quelqu’un, comment l’Éternel peut-il engendrer un Fils éternel ? Comme la flamme, qui ne dure qu’un instant, engendre une lumière de même durée. La flamme et la lumière qui s’en dégagent sont du même instant, et la flamme n’est pas plus ancienne que la lumière dont elle est le principe. Au moment où naît la flamme, à ce moment-là naît la lumière. Donne-moi une flamme sans lumière, et je te donnerai Dieu le Père privé de Fils. Voici donc le sens de ces paroles : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, qu’il ne l’ait vu faire au Père » : pour le Fils, voir n’est autre chose qu’être né du Père : en lui, voir et être sont une seule et même chose, comme aussi le pouvoir et la substance ne sont pas différents l’un de l’autre. Tout ce qu’il est, il le tient du Père ; tout ce qu’il peut, il l’a reçu du Père, car ce qu’il peut et ce qu’il est, c’est la même chose, et tout cela lui vient du Père.

9. Mais le Sauveur continue à parler : il jette le trouble dans l’esprit des Juifs qui le comprennent mal, afin de leur faire quitter leur erreur, et de les ramener à une saine appréciation de ses paroles. Il avait dit : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, qu’il

  1. Eph. 2, 14-20
  2. Jn. 1, 3, 10