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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/495

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Nous l’écoutions tout à l’heure comme notre créateur, Écoutons-le donc maintenant comme notre frère, Il est notre Créateur, car, au commencement était le Verbe ; il est notre frère, parce qu’il a pris naissance dans le sein de la Vierge Marie ; en qualité de Créateur, il existait avant Abraham, avant Adam, avant la terre, avant le ciel, avant toutes les créatures corporelles et spirituelles ; en qualité de frère des hommes, il est né de la race d’Abraham, de la tribu de Juda, d’une vierge israélite. Si, dans celui qui nous parle, nous reconnaissons un Dieu et un homme, sachons discerner les paroles du Dieu d’avec celles de l’homme ; car parfois il dit des choses qui ont trait à la majesté divine, et, parfois, il en dit qui se rapportent à la faiblesse humaine ; n’est-il pas en même temps et souverainement grand, et aussi souverainement petit, puisqu’il s’est anéanti pour nous élever jusqu’à lui ? que dit-il donc ? « Le Père » me « montrera des choses plus grandes que celles-ci, et vous serez dans l’admiration ». C’est donc à nous qu’il les montrera, et non pas à lui et comme c’est à nous que le Père les montrera, le Sauveur a eu bien soin de dire : « Et vous serez dans l’admiration ». Il nous a expliqué ce qu’il a voulu nous faire entendre par ces mots : « Le Père » me « montrera ». Pourquoi n’a-t-il pas dit : Le Père vous montrera, au lieu de dire : « Il montrera » au Fils ? Parce que nous sommes les membres de son Fils, et que celui-ci apprend en quelque sorte dans la personne de ses membres, ce que nous apprenons. De quelle manière acquiert-il en nous quelque science ? De la même manière qu’il y souffre. Où est la preuve des souffrances qu’il endure en nous ? Dans ces paroles venues du ciel : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » N’est-ce pas lui qui, à la fin du monde, s’assoira sur un tribunal pour juger tous les hommes ? N’est-ce pas lui qui, en plaçant les bons à sa droite, et les méchants à sa gauche, prononcera ces paroles : « Venez, bénis de mon Père, entrez en possession de mon royaume ; car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ? » Les justes lui répondront : « Seigneur, quand vous avons-nous vu avoir faim ? » Alors il ajoutera : « Lorsque vous avez donné quelque chose à l’un des moindres de mes frères, vous me l’avez donné à moi-même[1] ». Il a donc dit : « Lorsque vous avez donné quelque chose à l’un des moindres de mes frères, vous me l’avez donné à moi-même ». Par conséquent, interrogeons-le maintenant, et disons-lui Seigneur, quand apprendrez-vous quelque chose, puisque c’est vous qui enseignez toutes choses ? Et aussitôt, par l’organe de notre foi, il nous répondra : Lorsque l’un des moindres de mes frères s’instruit, c’est moi qui m’instruis.
8. Félicitons-nous donc, et rendons grâces à Dieu de ce que nous sommes devenus non seulement des chrétiens, mais le Christ lui-même. Comprenez-vous, mes frères, appréciez-vous dignement la grâce que Dieu nous fait en devenant notre chef ? Soyez dans l’admiration, réjouissez-vous, nous sommes devenus le Christ ! Car s’il est notre chef, nous sommes ses membres ; nous composons, lui et nous, son humanité tout entière. Voilà bien ce que dit l’apôtre Paul : « Afin que nous ne soyons plus flottants comme des enfants, et que nous ne nous laissions pas emporter à tout vent de doctrine ». Mais auparavant, il s’était exprimé en ces termes « Jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité d’une même foi et d’une même connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’un homme parfait, à la mesure de l’âge, de la plénitude du Christ[2] ». Le chef et les membres, voilà ce qui constitue la plénitude du Christ. Qu’est-ce à dire : Le chef et les membres ? Le Christ et l’Église. Nous arroger un privilège pareil serait, de notre part, de l’orgueil, mais le Sauveur a daigné nous le promettre lui-même, car il nous a dit par la bouche du même Apôtre : « Or, vous êtes le corps du Christ et ses membres[3] ».
9. Dès lors donc que le Père montre quelque chose aux membres du Christ, il le montre par là même au Christ. Il se fait à ce moment comme un grand miracle, mais un miracle réel. Ce que le Christ savait déjà se fait voir au Christ, et c’est le Christ lui-même qui le lui fait connaître. Voilà une chose étonnante et merveilleuse, mais l’Écriture nous l’affirme : Nous mettrons-nous en antagonisme avec la parole de Dieu ? Ne faut-il pas plutôt la comprendre damas son vrai sens, et remercier de cette grâce d’en haut, Celui qui nous l’a accordée ? Qu’ai-je dit : C’est le

  1. Mt. 25, 31-40
  2. Eph. 4,13-14
  3. 1 Cor. 12, 27