Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avions perdu le chemin. Le roi de cette ville est venu lui-même, il s’est fait notre voie, afin que nous pussions y retourner. C’est dans les parvis de cette Jérusalem que nos pieds étaient fermés[1], ainsi que vous l’avez entendu, dans un psaume des degrés que nous vous avons expliqué récemment, à vous du moins qui y assistiez ; c’est vers cette Jérusalem que soupirait celui qui chantait : « Jérusalem, qui est bâtie comme une cité, et dont les habitants sont unis ensemble[2] ». Ceux donc qui habitent cette ville ne seront pas ébranlés à jamais ; tandis que ceux qui ont habité la cité terrestre ont été ébranlés, par le cœur d’abord, ensuite par l’exil. Leur cœur s’est ébranlé, et ils sont tombés quand ils ont crucifié le roi de la. Jérusalem céleste. Mais ils en étaient dehors déjà par le cœur, et ils en avaient chassé le roi ; car ils le firent sortir de leur cité, et le crucifièrent au-dehors. À son tour il les a bannis de sa cité, c’est-à-dire de la Jérusalem éternelle qui est dans le ciel, et notre mère à tous.
4. Comment donc est cette ville ? Le Prophète nous la décrit en un mot. « Des montagnes l’environnent ». Est-ce un grand avantage jour nous d’être dans une ville environnée de montagnes ? Est-ce bien à être dans une ville environnée de montagnes que consistera notre félicité ? Ne connaissons-nous point les montagnes, et sont-elles autre chose que des éminences de terre ? Il est donc d’autres montagnes aimables, montagnes élevées qui sont les prédicateurs de la vérité, comme les anges, les Apôtres, les Prophètes. Ceux-là environnent Jérusalem, ils sont à l’entour et lui servent de murailles. C’est de ces montagnes aimables et délicieuses que nous parle souvent l’Écriture. Observez, quand vous la lisez ou l’entendez, combien on parle de ces montagnes ; il m’est impossible d’en énumérer tous les endroits, et néanmoins je me plais à m’étendre sur un tel sujet, autant que Dieu m’en fait la grâce, et à vous citer les passages des Écritures qui reviennent à ma mémoire. Ces montagnes sont éclairées par Dieu ; sur elles d’abord il épanche sa lumière, afin que de là elle passe aux vallées, ou même aux collines qui sont moins élevées que les montagnes[3]. C’est par elles que nous sont venues les saintes Écritures, prophéties, écrits des Apôtres, Évangiles. C’est de ces montagnes que nous chantons : « J’ai levé les yeux vers les montagnes d’où me viendra le secours », car c’est des saintes Écritures que nous vient le secours en cette vie. Mais comme ces montagnes ne se protègent point elles-mêmes, et ne tirent point d’elles-mêmes le secours qu’elles nous donnent, ce n’est point en elles qu’il faut mettre nos espérances, de peur que nous ne soyons maudits pour avoir mis notre confiance dans un homme[4]. Après que le Prophète a dit : « J’ai levé les yeux vers les montagnes, d’où me viendra le secours », il ajoute : « Le secours me viendra du Seigneur qui a fait le ciel et la terre[5] ». C’est encore de ces montagnes que le même Prophète a dit : « Que les montagnes reçoivent la paix pour le peuple, et les collines la justice[6] ». Les montagnes, ce sont les grands, les collines ceux qui sont moindres. Ce sont les montagnes qui voient, les collines qui croient. Ceux qui voient ont reçu la paix et L’ont apportée à ceux qui croient. Ceux qui croient ont reçu la justice, car le juste vit de la foi[7]. Les anges voient, ils prêchent ce qu’ils voient, et nous croyons. Quand saint Jean disait : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu[8] » ; il voyait, et nous prêchait afin de nous amener à la foi. Et par les montagnes qui reçoivent la paix, les collines reçoivent la justice ; que dit en effet le Prophète à propos des montagnes ? Il ne dit point que d’elles-mêmes elles aient la paix, ou établissent la paix, ou qu’elles engendrent la paix, mais qu’elles reçoivent la paix. Or, c’est du Seigneur qu’elles reçoivent la paix. Lève donc en vue de la paix les yeux vers les montagnes, afin que le secours te vienne du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. Parlant ailleurs de ces montagnes, le Saint-Esprit a dit : « Des montagnes éternelles vous faites descendre sur nous une lumière admirable »[9]. Il ne dit point que ces montagnes éclairent, mais que Dieu donne la lumière au moyen de ces montagnes éternelles. En prêchant l’Évangile par ces montagnes que vous avez rendues éternelles, c’est vous qui éclairez, et non point les montagnes. Telles sont les montagnes qui environnent Jérusalem.
5. Pour mieux vous faire comprendre quelles

  1. Ps. 121,2
  2. Id. 3
  3. Jn. 19,17-18
  4. Jer. 17,5
  5. Ps. 120,1-2
  6. Id. 71,3
  7. Rom. 1,17
  8. Jn. 1,1
  9. Ps. 71,5