Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/550

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mort comme une brebis, et pareil à un agneau qui se tait devant celui qui le tond, il n’a pas ouvert la bouche [1] ». Il viendra et ne se taira pas. « Je me suis tû : me tairai-je toujours[2] ? »


7. Mais qu’est-ce qui est nécessaire à ceux qui ont la justice ? Ce que nous lisons dans le psaume précité : « Jusqu’au jour où la justice rendra les jugements ; et près d’elle seront ceux qui la possèdent et ont le cœur droit ». Vous désirez peut-être savoir quels hommes ont le cœur droit. Selon le langage de l’Écriture, les hommes au cœur droit sont ceux qui endurent les peines de la vie sans en accuser Dieu. Voyez, mes frères, combien est rare cet oiseau dont je parle. Quand un homme voit fondre sur lui quelque malheur, je ne sais vraiment de quelle manière il court pour accuser plus vite le Seigneur, tandis qu’il ne devrait accuser que lui-même. Quand tu fais un peu de bien, tu t’en vantes ; et quand il t’arrive quelque infortune, tu en accuses Dieu. C’est là le propre d’un cœur tordu, et non la preuve d’un cœur droit. Corrige-toi de cette distorsion et de cette méchanceté de ton cœur, et alors tu agiras d’une manière toute différente. Que faisais-tu précédemment ? Tu attribuais à toi-même le bien qui te venait de Dieu, et tu attribuais à Dieu le mal dont tu étais l’auteur. Si tu changes ton cœur et lui donnes une autre direction, tu loueras le Seigneur dans ses bienfaits, et tu t’accuseras toi-même au milieu de tes maux. Voilà ce que font les hommes d’un cœur droit. Enfin, le Prophète n’avait pas encore ce cœur droit quand le spectacle de la félicité des méchants et les peines des justes le révoltaient ; mais il était corrigé, quand il disait : « Que le Dieu d’Israël est bon pour ceux qui ont le cœur droit ! » Quand je n’avais pas encore le cœur droit, « mes pieds se sont presque égarés, mes pas ont presque chancelé ». Pourquoi ? « Parce que je me suis indigné contre les pécheurs, en voyant la paix des impies[3] ». J’ai vu, dit-il, les méchants au sein du bonheur, et, en cela, la conduite de Dieu m’a déplu ; car j’aurais voulu que jamais il ne permît aux méchants d’être heureux. Il faut que l’homme le comprenne bien : Jamais Dieu ne permet pareille chose ; et si l’on croit les méchants heureux, c’est parce qu’on ne sait pas en quoi consiste le bonheur. Ayons donc le cœur droit ; le temps de la gloire n’est pas encore venu pour nous. Il faut dire à ceux qui aiment le monde, comme l’aimaient les frères du Seigneur : « Votre temps est toujours prêt, mais le, nôtre n’est pas encore venu ». Ne craignons pas de leur tenir nous-mêmes ce langage. Et parce que nous formons le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, parce que nous sommes ses membres, parce que nous le reconnaissons avec bonheur pour notre chef, répétons encore une fois ces paroles qu’il a daigné prononcer lui-même à cause de nous. Quand les amateurs de ce monde nous insultent, répondons-leur : « Votre temps est toujours prêt ; le nôtre n’est pas encore venu ». Car l’Apôtre nous a dit : « Vous êtes morts, et votre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ ». Mais notre temps, quand viendra.-t-il ? « Lorsque Jésus-Christ, qui est notre vie, paraîtra, vous paraîtrez avec lui dans la gloire[4] ».
8. Que dit ensuite le Sauveur ? « Le monde ne peut vous avoir en haine ». Que veulent dire ces paroles ? Sans doute : le monde ne peut haïr ceux qui l’aiment, les faux témoins ; car vous appelez bien ce qui est mal, et mal ce qui est bien. « Mais pour moi, il me déteste, parce que je rends de lui ce témoignage que ses œuvres sont mauvaises. Quant à vous, montez à cette fête ». Qu’est-ce à dire : « Cette fête ? » Où vous désirez trouver la gloire de ce monde. Qu’est-ce à dire : « cette fête ? » Où vous prétendez vous réjouir d’une joie charnelle, où vous oubliez les joies éternelles. « Moi, je n’y monte point encore, parce que mon temps n’est pas accompli ». Vous cherchez, en ce jour de fête, à acquérir de la gloire humaine ; mais « mon temps », c’est-à-dire le temps de ma gloire, « n’est pas encore venu ». Mon jour de fête ne devancera ni ne dépassera les jours solennels de la loi, mais il durera toujours : ce sera alors vraiment la fête ; ce sera une joie sans fin, une éternité sans limites, une lumière sans ombres. « Et leur ayant ainsi parlé, il demeura en Galilée. Et, quand ses frères furent partis, il monta aussi à la fête, non pas publiquement, mais comme en secret ». Il ne monta donc pas « pour cette fête », parce qu’il ne voulait pas s’attirer une renommée mondaine ; il désirait leur donner un conseil

  1. Isa. 53, 7
  2. Isa. 42, 14 suiv. les Septante
  3. Ps. 72, 1-3
  4. Col. 3, 3, 4