Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/585

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notre cœur. Il s’est fait homme, homme condamné au mépris et réservé aux honneurs, comme destiné à être méconnu et à compter de fervents adeptes : condamné à se voir méprisé et méconnu des Juifs, destiné à recevoir nos honneurs et l’hommage de notre foi : homme, qui devait être jugé et juger à son tour, qui devait être injustement jugé et juger suivant toutes les règles de la justice. Il nous est donc apparu dans un état d’infirmité telle qu’il lui fallait recevoir le témoignage de la lampe. Si, en effet, nos yeux avaient pu supporter l’éclat du jour, aurait-il eu besoin que Jean, pareil à une lampe, lui rendît témoignage ? Mais nous ne pouvions en contempler la splendeur. Parce que nous étions faibles, il est devenu faible ; et, par sa faiblesse, il a guéri la nôtre : en se revêtant d’un corps sujet à la mort, il a détruit la mort, qui devait frapper notre corps : et son humanité a été comme un collyre destiné à guérir l’infirmité de nos yeux. Puisque le Sauveur est venu parmi nous, et que nous sommes encore plongés dans les ténèbres de cette vie terrestre, il nous faut écouter les Prophètes.
7. De fait, avec ses oracles, nous réduisons au silence les païens qui nous attaquent. – Qui est le Christ ? nous dit le païen. – Nous lui répondons : Celui qu’ont annoncé les Prophètes. – Quels Prophètes ? – Nous leur nommons, l’un après l’autre, ceux dont on nous lit tous les jours les prédictions. – Quels sont ces Prophètes ? – Les hommes qui ont annoncé d’avance ce que nous voyons se passer sous nos yeux. – Vous, continue-t-il, vous avez mis à profit les événements qui ont eu lieu ; vous les avez vus s’accomplir, puis vous en avez fait l’histoire à votre guise, et vous avez présenté les faits passés comme des faits à venir. – Ici, nous avons à faire valoir, contre ces ennemis païens, le témoignage d’autres ennemis. Nous leur présentons les livres en honneur chez les Juifs, et nous répondons : Vous êtes, vous et eux, les ennemis de notre foi. Les Juifs ont été dispersés parmi les nations, pour nous servir de preuve contre nos autres adversaires. Qu’ils montrent le livre d’Isaïe, nous verrons s’il ne renferme pas ce passage : « Il a été conduit à la mort comme une brebis, et il est resté muet comme un agneau devant celui qui le tond. « Son jugement a été enlevé au milieu des humiliations : nous avons été guéris par ses blessures : nous nous sommes tous égarés comme des brebis, et il a été livré pour nos péchés[1] ». Voilà une lampe montrons-en une autre. Ouvrons le livre des psaumes, la passion du Sauveur y est aussi prédite. « Ils ont percé mes mains et mes pieds, tous mes os ont été comptés ; ils m’ont regardé et considéré attentivement : ils se sont partagé mes vêtements, ils ont tiré ma robe au sort. À vous s’adressent mes louanges : je publierai votre gloire dans une grande assemblée. Les peuples les plus reculés se souviendront du Seigneur et se tourneront vers lui : toutes les nations se prosterneront en sa présence, parce qu’au Seigneur appartient l’empire, et qu’il régnera sur tous les peuples[2] ». Parmi mes ennemis, ceux-ci doivent donc rougir, puisque ceux-là me fournissent contre eux des témoignages écrits. Avec les passages que les uns m’ont mis en main, j’ai réduit les autres au silence ; mais je ne veux point abandonner ceux qui m’ont soutenu dans ma tâche, sans les convaincre eux-mêmes d’erreur : prenons de leurs propres mains de quoi les confondre. Je lis un autre Prophète, et j’y trouve les paroles adressées aux Juifs par le Seigneur : « Mon amour n’est point en vous », dit le Seigneur, « et je ne recevrai pas de présents de votre main ; car, depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, on offre une oblation pure à mon nom[3] ». O Juif, tu ne prends aucune part à cette oblation pure : tu es donc toi-même impur.
8. Si les lampes rendent elles-mêmes témoignage au jour, c’est en raison de notre faiblesse, car nous ne pouvons ni supporter ni voir son éclat. Néanmoins, nous sommes nous-mêmes, nous autres chrétiens, une véritable lumière, si l’on nous compare aux infidèles. Aussi l’Apôtre dit-il : « Vous étiez autrefois ténèbres, mais, maintenant, vous êtes lumière en Notre-Seigneur : marchez donc comme des enfants de lumière[4] ». Il dit encore ailleurs : « La nuit est déjà avancée, et le jour s’approche. Quittons donc les œuvres de ténèbres, et revêtons-nous des armes de lumière : marchons dans la décence comme durant le jour[5] ». Cependant le jour où nous vivons n’est que ténèbres, dès qu’on le met en regard du jour de notre

  1. Isa. 53, 5-8
  2. Ps. 21, 17-29
  3. Mal. 1, 10, 11
  4. Eph. 5, 8
  5. Rom. 13, 12-13