Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/610

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véridique et que le Fils est la vérité. Le Seigneur Jésus ayant dit : « Celui qui m’a envoyé est véridique [1] », les Juifs ne comprirent pas qu’il avait voulu leur parler de son Père. Il ajouta ce que vous venez d’entendre lire : « Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurez que je suis, et que je ne fais rien de moi-même, mais que je dis ces choses ainsi que mon Père m’a enseigné ». Qu’est-ce que cela ? Il semble n’avoir dit rien autre chose que ceci c’est, qu’après sa passion, ils sauraient qui il était. Sans aucun doute, parmi ses auditeurs, il en discernait un certain nombre qu’il connaissait, qu’il avait choisis, par un effet de sa prescience, avec ses autres saints, dès avant la constitution du monde, et qui devaient croire en lui après sa passion : voilà ceux que nous recommandons sans cesse à votre imitation, et que nous vous proposons comme vos modèles, en vous priant instamment de suivre leurs traces. Après la mort, la résurrection et l’ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Saint-Esprit est descendu d’en haut ; des prodiges éclatants ont été opérés au nom de Celui que les Juifs avaient persécuté et méprisé, puisqu’ils l’avaient fait mourir à la vue de ces merveilles, ces hommes furent saisis d’un sincère repentir ; et alors on vit se convertir et croire au Christ ceux qui l’avaient persécuté et mis à mort, et le sang qu’ils avaient cruellement répandu, la foi en fit pour eux un breuvage ; il apercevait déjà ces trois mille, ces cinq mille Juifs parmi ses auditeurs[2] au moment où il disait : « Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurez que je suis ». C’était dire, sous une autre forme : J’attends, pour me faire connaître à vous, que toutes les circonstances de ma passion aient eu lieu ; à l’heure opportune, vous connaîtrez que je suis. Tous ceux qui l’écoutaient ne devaient pas, pour croire en lui, attendre sa mort ; car l’Évangéliste ajoute un peu après : « Comme il parlait encore, beaucoup crurent en lui », et pourtant le Fils de l’homme n’avait pas encore été élevé. Il parlait de son exaltation douloureuse, et non de son exaltation glorieuse, de son exaltation en croix, et non de son exaltation dans le ciel ; parce qu’il a été élevé pendant qu’il était attaché à l’instrument de son supplice ; alors, il s’est fait obéissant jusqu’à la mort de la croix [3]. Tous ces événements devaient s’accomplir de la main même de ceux qui devaient croire en lui ; car il leur avait dit : « Lorsque vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurez que je suis ». Pourquoi cela, sinon afin que tout homme, si criminel qu’il se reconnût intérieurement, pût nourrir encore des pensées d’espoir, en voyant le pardon accordé au crime de ceux qui avaient fait mourir le Christ ?
3. Le Sauveur remarqua donc ces hommes dans la foule qui l’entourait, et il leur dit ci. Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, « alors vous saurez que je suis ». Vous savez déjà ce que veut dire ce mot : « Je suis ». Il est inutile d’y revenir encore : vous parler trop longuement d’un si grand mystère, ce serait s’exposer à vous ennuyer. Rappelez-vous ces paroles : « Je suis Celui qui suis » ; et : « Celui qui est m’a envoyé[4] » ; et vous comprendrez ces paroles du Christ : « Alors, vous saurez que je suis », et aussi que le Père est, et que le Saint-Esprit est. C’est relativement à lui que toute la Trinité a sa raison d’être. Notre-Seigneur parlait en qualité de Fils : il ne voulut pas que ces paroles. « Alors a vous connaîtrez que je suis », pussent donner lieu et laisser prendre pied à l’erreur des Sabelliens, c’est-à-dire des Patripassiens ; je vous ai dit au sujet de cette erreur : Ne vous y attachez pas, écartez-vous-en avec soin ; elle consiste à prétendre, comme vous le savez, que le Père et le Fils ne diffèrent l’un de l’autre que par le nom, et qu’en réalité ils sont une seule et même chose. Pour nous faire éviter cette erreur, et afin qu’on ne le prît pas pour le Père, le Sauveur, après avoir dit : « Alors vous connaîtrez que je suis », ajouta immédiatement : « Et que je ne fais rien de moi-même, mais que je dis ces a choses comme mon Père m’a enseigné ». Devant cette porte ouverte à son erreur, le disciple de Sabellius avait déjà commencé à se réjouir ; mais à peine s’y était-il comme furtivement glissé, que la lumière de cette déclaration vint le confondre. Parce qu’il avait dit : « Je suis », tu avais cru qu’il était le Père. Écoute, il va te prouver qu’il est le Fils : « Je ne fais rien de moi-même ». Qu’est-ce à dire : « Je ne fais rien de moi-même ? » Je ne suis pas de moi-même. Le

  1. Jn. 8, 26
  2. Act. 2, 37, 41 ; 4, 4
  3. Phil. 2, 8
  4. Ex. 3, 14