Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/97

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espérer à la vigile du matin ? Celui qui attend du Seigneur ce que le Seigneur nous a montré à la vigile du matin, c’est-à-dire la résurrection. Avant lui nul n’était ressuscité pour ne plus mourir. Que votre charité veuille bien m’écouter, Quelques morts sont ressuscités avant Jésus-Christ ; car Elie ressuscita un mort, Elisée également[1] ; mais ces morts ne ressuscitèrent que pour mourir de nouveau. Ceux mêmes que le Christ ressuscita, ne ressuscitèrent que pour mourir encore, soit le fils de la veuve, soit cette enfant de douze ans, fille du chef de la synagogue, soit Lazare[2] ; ils ressuscitèrent de différentes manières, mais pour mourir une seconde fois pour eux une seule naissance et une double mort. Nul autre que le Seigneur n’était ressuscité pour ne plus mourir. Mais quand est-il ressuscité pour ne plus mourir ? « A la vigile du matin ». Espère donc du Seigneur que tu ressusciteras, non comme Lazare est ressuscité, non comme le fils de la veuve, ou la fille du chef de la synagogue, non comme ceux que ressuscitèrent les anciens Prophètes ; mais espère que tu ressusciteras comme le Seigneur lui-même, en sorte qu’après cette résurrection tu n’auras plus à craindre la mort ; voilà espérer dès la vigile du matin.
10. Espère jusqu’à la nuit, jusqu’à la fin de cette vie, jusqu’à ce qu’une nuit générale enveloppe le genre humain à la fin du monde. Pourquoi jusque-là ? C’est qu’après cette nuit, il n’y aura plus d’espérance, mais bien la réalité. L’espérance en effet n’est plus une espérance dès qu’on la voit ; et l’Apôtre a dit : « Comment espérer ce que l’on voit ? Or, si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons par la patience[3] ». Si donc nous devons attendre patiemment ce que nous ne voyons point, espérons jusqu’à la nuit, c’est-à-dire jusqu’à la fin de notre vie, ou du monde. Mais quand cette vie sera écoulée, alors viendra ce que nous avons espéré, et alors sans être dans le désespoir, nous n’aurons plus d’espérance. Le désespoir en effet est blâmable, et dans nos imprécations contre un homme, nous disons : Il n’a aucune espérance. Et toutefois, être sans espérance n’est pas toujours un mal. C’est un mal, sans doute, de n’en point avoir en cette vie ; car celui qui n’a point l’espérance en cette vie, n’aura point la réalité dans l’autre vie. Donc il nous faut espérer maintenant ; mais, quand nous posséderons la réalité, que deviendra l’espérance ? Comment espérer ce que l’on voit ? Le Seigneur notre Dieu viendra et montrera au genre humain cette bruie dans laquelle il a été crucifié et il est ressuscité, et s’y fera voir aux bons et aux méchants ; les uns le verront pour se féliciter de trouver en lui ce qu’ils avaient cru avant de voir ; les autres le verront afin de rougir de n’avoir point cru ce qu’ils verront alors. Ceux qui rougiront seront condamnés, ceux qui se féliciteront seront couronnés. À ceux qui seront confus on dira : « Allez au feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges » ; et à ceux qui seront dans la joie on dira : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde[4] ». Lorsqu’ils le posséderont, il n’y aura plus d’espérance, mais bien la réalité. L’espérance finissant, la nuit finira aussi ; mais jusqu’à ce moment, que notre âme espère dans le Seigneur, depuis la vigile du matin.
11. Le Prophète revient sur cette même parole : « Qu’Israël espère dans le Seigneur depuis la vigile du matin. Depuis la vigile du matin jusqu’à la nuit, mon âme a espéré dans le Seigneur ». Mais qu’a-t-il espéré ? « Qu’Israël espère dans le Seigneur, depuis la vigile du matin ». Non seulement qu’Israël espère dans le Seigneur, mais qu’il espère depuis la vigile du matin. Donc je condamne l’espérance des biens de ce monde, quand on les attend de Dieu ? Point du tout ; mais il est une autre espérance propre à Israël. Qu’il n’espère, comme le bien suprême pour lui, ni les richesses, ni la santé du corps, ni l’abondance des biens terrestres. Il trouvera même l’affliction ici-bas, et peut-être sera-il engagé dans quelques persécutions pour la vérité. Les martyrs n’espéraient-ils pas en Dieu ? Et néanmoins ils ont souffert comme auraient pu souffrir des voleurs, des hommes d’iniquité : condamnés aux bêtes, exposés au feu, frappés du glaive, déchirés par des crocs, chargés de chaînes, étouffés dans les prisons, n’espéraient-ils donc pas en Dieu pour souffrir tant de maux ? Ou le but de leur espérance était-il d’échapper à ces tourments pour jouir de la vie ? Nullement, ils espéraient dès la vigile du matin. Qu’est-ce

  1. 1 R. 17,22 ; 2 R. 4,35
  2. Lc. 7,15 ; 8,55 ; Jn. 11,44
  3. Rom. 8,24-25
  4. Mt. 25,11-31