Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de la patience devaient s’accomplir non par l’ostentation du corps, mais par la préparation du cœur. Il peut se faire, en effet, qu’un homme tende extérieurement l’autre joue et garde sa colère. Que Notre-Seigneur fait bien mieux, en répondant avec calme la vérité, et en se préparant avec tranquillité à supporter des traitements encore plus cruels ! Bienheureux est celui qui, dans tout ce qu’il souffre injustement pour la justice, peut dire avec vérité : « Mon cœur est prêt, ô Dieu, mon cœur est prêt [1] » ; alors s’accomplissent les paroles qui suivent : « Je chanterai et je psalmodierai ». Voilà ce que Paul et Barnabé ont pu faire, lorsqu’ils étaient chargés de chaînes.
5. Mais revenons à la suite du récit évangélique. « Et Anne l’envoya lié à Caïphe qui était pontife ». C’était vers lui, comme le dit Matthieu, qu’on le conduisait d’abord, parce que Caïphe était, cette année-là, le prince des prêtres. Il faut le remarquer, il y avait, à cette époque, deux pontifes, c’est-à-dire deux princes des prêtres qui exerçaient alternativement chaque année. C’étaient Anne et Caïphe ; ainsi le rapporte l’Évangéliste Luc, lorsqu’il raconte en quel temps Jean, le précurseur de Notre-Seigneur, commença de prêcher le royaume des cieux et de rassembler des disciples. Voici ce qu’il dit : « Sous les princes des prêtres, Anne et Caïphe, la parole du Seigneur descendit sur Jean, fils de Zacharie, dans le désert[2] ». Et le reste. Ces deux pontifes faisaient donc chacun son année ; et celle où Jésus souffrit était l’année de Caïphe. C’est pourquoi, lorsqu’ils eurent saisi Jésus, ils le conduisirent, selon Matthieu, chez Caïphe, et, selon Jean, ils vinrent avec Jésus d’abord vers Anne, non parce qu’il était son collègue, mais parce qu’il était son beau-père. Il faut croire que cela se fit d’après la volonté de Caïphe, ou bien parce que leurs demeures étaient situées de manière à ce que, en passant devant celle d’Anne, ils ne purent se dispenser d’y entrer.
6. Après avoir dit qu’Anne envoya Jésus lié à Caïphe, notre Évangéliste revient à l’endroit de sa narration où il avait laissé Pierre, pour expliquer ce qui arriva dans la maison d’Anne, au sujet de son triple reniement. « Cependant », dit-il, « Simon Pierre était là et se chauffait ». Il rappelle ainsi ce qu’il avait déjà dit. Il ajoute ensuite ce qui arriva : « Ils lui dirent donc : N’es-tu pas aussi de ses disciples ? Et il le nia, et il dit : Je n’en suis point ». Il l’avait déjà renié une première fois ; celle-ci est donc la seconde. Ensuite, pour que s’accomplît son triple reniement, « un des serviteurs du grand prêtre, parent de celui dont Pierre avait coupé l’oreille, lui dit : Est-ce que je ne t’ai pas vu dans le jardin avec lui ? Pierre le nia de nouveau, et aussitôt le coq chanta ». Voilà la prédiction du médecin accomplie et la présomption du malade avérée. Car ce qui est arrivé est, non pas ce que Pierre avait dit : « Je donnerai ma vie pour vous », mais ce que Jésus avait prédit : « Tu me renieras trois fois [3] ». Mais le triple reniement de Pierre étant achevé, achevons aussi ce discours. En commençant le discours suivant, nous examinerons ce qui arriva à Notre-Seigneur chez le gouverneur Ponce-Pilate.

  1. Ps. 56, 8
  2. Lc. 3,2
  3. Jn. 13, 38