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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/171

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dire sainteté, et que nous sommes ténèbres, c’est-à-dire esclaves du péché ; il ne peut donc y avoir société entre lui et nous que si nous confessons nos fautes, et, en ce cas, nous avons en Jésus un avocat qui nous en obtiendra le pardon. Mais nous méconnaissons notre Sauveur, si nous n’observons pas ses commandements, ou, en d’autres termes, si nous n’aimons pas Dieu, nos frères et même nos ennemis. Hors de la pratique de la charité, nous n’avons à espérer ni propitiation ni ressemblance avec Dieu : nous serons toujours plongés dans les ténèbres du péché et sujets au scandale.

1. « Ce qui a été dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ». Comment un homme peut-il, de ses mains, toucher le Verbe, si ce n’est parce que « le Verbe s’est fait chair, et qu’il a habité parmi nous ? » Afin de pouvoir être touché de nos mains, le Verbe qui s’est fait chair a commencé par prendre un corps dans le sein de la Vierge Marie ; mais alors n’a point commencé le Verbe ; car, dit Jean, « il a été dès le commencement ». Remarquez, je vous prie, comme l’Épître de cet Apôtre confirme son Évangile, où nous avons lu tout à l’heure ces paroles : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu[1] ». Ces paroles : « Le Verbe de vie », quelqu’un les regarde peut-être comme une manière de désigner le Christ, et non point le corps même du Christ que les Apôtres ont touché de leurs mains. Vois ce qui suit : « La vie même s’est manifestée ». Le Christ était donc le Verbe de vie. Mais comment la vie s’est-elle manifestée ? Elle était dès le commencement ; toutefois elle ne s’était point encore fait connaître aux hommes ; pour les anges, elle s’était montrée à eux, ils la voyaient et s’en nourrissaient comme d’un pain approprié à leur nature. Néanmoins, que dit l’Écriture ? « L’homme a mangé le pain « des Anges[2] ». La vie s’est donc manifestée en s’incarnant ; de la sorte, ce que le cœur seul pouvait apercevoir, des yeux de chair étaient à même de le contempler, et le cœur pouvait, par là, parvenir à sa guérison. Le cœur seul est capable de voir le Verbe, mais des yeux de chair peuvent apercevoir un corps. Il nous était donc possible d’apercevoir le corps du Christ, mais contempler le Verbe cela nous était impossible ; si donc le Verbe s’est fait chair, c’était pour apparaître à nos regards et guérir ce qui pouvait, en nous, considérer le Verbe.

2. « Et nous l’avons vu, et nous en sommes témoins ». Plusieurs de nos frères qui ne connaissent point le grec, ignorent peut-être ce que le mot « témoins » veut dire en cette langue : c’est un mot qui se trouve sur les lèvres de tout le monde, et qui, en religion, a son sens propre ; ceux que, en latin, nous appelons témoins, les Grecs leur donnent le nom de martyrs. Puisse ce nom des martyrs être si bien gravé dans notre cœur, que nous les imitions dans leurs souffrances au lieu de les poursuivre de nos mépris. « Nous l’avons vu et nous en sommes témoins » s’exprimer ainsi, c’était donc dire : Nous l’avons vu, et nous sommes martyrs. En rendant témoignage de ce qu’ils ont vu eux-mêmes, ou de ce qu’ils ont entendu dire aux témoins mêmes des événements, les martyrs ont déplu aux hommes contre lesquels ils déposaient ; voilà pourquoi ils ont souffert ce qu’ils ont souffert. Les martyrs sont donc les témoins de Dieu. Le Seigneur a voulu avoir des hommes pour témoins, afin de leur servir de témoin à son tour. « Nous l’avons vu », dit Jean, « et nous en sommes témoins ». Où les Apôtres l’ont-ils vu ? Dans son apparition. Qu’est-ce à dire, dans son apparition ? Dans le soleil, ou, en d’autres termes, dans la lumière de ce monde. Et comment a-t-on pu voir dans le soleil celui qui l’a créé ? Évidemment parce qu’« il a placé son pavillon dans le soleil ; semblable à un époux qui sort de son lit nuptial, pareil à un géant, il s’est élancé pour fournir sa course[3] ». Antérieur au soleil qu’il a tiré du néant, à l’aurore, à tous les astres, à tous les anges, ce vrai Créateur de toutes choses (« car toutes choses ont été faites « par lui, et sans lui rien n’a été fait[4] »), a voulu se faire voir par les yeux de chair qui contemplent le soleil ; aussi a-t-il placé son pavillon dans le soleil, c’est-à-dire qu’il a montré son humanité au grand jour de ce monde ; le sein d’une Vierge a servi de lit nuptial à cet époux, car dans ces virginales entrailles se sont unis un époux et une épouse : l’époux était le Verbe ; l’épouse, notre humanité ; en effet, il est écrit : « Et ils seront deux dans une seule chair[5]». Et le Sauveur a ajouté dans l’Évangile : « C’est pourquoi ils ne

  1. Jn. 1, 1
  2. Ps. 77, 25
  3. Ps. 18, 6
  4. Jn. 1, 3
  5. Gen. 2, 21