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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/174

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sommes en société avec lui, et que nous marchions dans les ténèbres, nous mentons et nous ne disons pas la vérité ». Ne disons pas que nous vivons en union avec lui, si nous marchons dans les ténèbres. « Mais si nous marchons dans la lumière, comme il est lui-même dans la lumière, nous sommes ensemble dans une union complète ». Marchons dans la lumière, comme il est lui-même dans la lumière, afin de pouvoir entrer en société avec lui. Et nos péchés, qu’en ferons-nous ? Écoute ce qui suit : « Et le sang de Jésus-Christ, son Fils, nous purifiera de tout péché ». Dieu nous a ménagé un grand sujet de tranquillité. Nous célébrons avec juste raison le temps de Pâques, où le Sauveur a répandu son sang pour nous purifier de tout péché. Soyons tranquilles : le démon possédait contre nous un titre d’esclavage ; mais ce titre a été détruit dans le sang du Christ : « Le sang de Jésus-Christ, son Fils, nous purifiera de tout péché ». Qu’est-ce à dire : « De tout péché ? » Attention ! Tous les péchés de ceux qu’on appelle des enfants et qui viennent de confesser le sang du Sauveur ont été effacés au nom de Jésus-Christ et par la vertu de ce sang. Ils étaient dans la vétusté du péché, lorsqu’ils sont entrés en ce bain salutaire ; ils en sont sortis des hommes nouveaux. Ils étaient des vieillards, quand on les y a plongés ; ils étaient des petits enfants quand on les en a retirés. Leur vieillesse décrépite, c’était leur ancienne vie ; la jeunesse, qu’ils ont puisée dans le sacrement de la régénération, c’est leur vie nouvelle. Mais que faisons-nous ? Ils n’ont pas été seuls à obtenir la rémission de leurs péchés passés ; nous avons été favorisés comme eux ; mais depuis que tous nos péchés nous ont été pardonnés et que nous en avons été purifiés, nous avons vécu dans le monde, nous avons éprouvé une foule de tentations et commis, peut-être, de nouvelles fautes. Ce que l’homme peut faire, qu’il le fasse donc : qu’il avoue ce qu’il est afin d’être guéri par Celui qui est toujours ce qu’il est : Jésus-Christ a toujours été et il est encore ; pour nous, il fut un temps où nous n’étions pas, et nous sommes.

6. Remarque, en effet, les paroles de Jean : « Si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous ». Si donc tu reconnais hautement que tu es pécheur, la vérité se trouve en toi, car la vérité, c’est la lumière. Ta vie n’a pas encore brillé d’un vif éclat, parce qu’elle est ternie par le péché ; elle a déjà néanmoins commencé à s’illuminer, parce que tu as confessé tes fautes ; car vois ce qui suit : « Mais si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les remettre et pour nous purifier de toute iniquité ». L’Apôtre parle, non-seulement de nos fautes passées, mais encore de celles dont nous avons pu nous rendre coupables par cela même que notre vie s’est prolongée depuis lors ; en effet, tant que dure son existence mortelle, il est impossible à l’homme de se préserver complètement de fautes au moins légères. Ces fautes, que nous appelons légères, ne les regarde pas comme indignes de ton attention ; car elles te semblent peu de chose, quand tu en apprécies la grièveté ; elles doivent te faire trembler, dès que tu en considères le nombre. Une immense quantité de péchés peu considérables ne constitue-t-elle pas une lourde masse ? Ce sont des gouttes d’eau nombreuses qui remplissent le lit d’un fleuve ;. les tas de blé se composent d’une multitude de grains. Où puiser de l’espoir ? D’abord, dans l’aveu de nos iniquités : que personne ne se croie juste ; que personne ne lève la tête en présence du Dieu qui voit ce que nous sommes. Car si nous existons, il y a eu un temps ou nous n’existions pas. Avant tout, faisons donc l’aveu de nos péchés ; puis, ayons la charité, parce qu’il est dit d’elle : « La charité couvre la multitude des péchés[1] ». Remarquons-le Jean nous recommande la charité en raison des iniquités dont nous nous souillons à chaque instant ; car la charité seule fait disparaître notre culpabilité. Ce qui tue la charité, c’est l’orgueil ; elle puise donc sa force dans l’humilité, et elle détruit le péché ; l’humilité nous porte à reconnaître que nous sommes pécheurs ; quand nous parlons d’humilité, nous n’entendons pas celle qui se bornerait à nous faire faire de bouche cet aveu, pour nous empêcher de paraître arrogants aux yeux du monde, et de lui déplaire en nous disant hommes justes. Ainsi agissent les impies et ceux qui ont perdu le sens. Je sais bien que je suis juste, disent-ils, mais comment me rendre un pareil témoignage devant le

  1. 1 Pi. 4, 8