Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/194

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se reconnaît comme amateur du monde, se convertisse ; qu’il devienne un amateur du Christ, pour ne pas être un antéchrist. Si l’on dit à un amateur du monde qu’il est un antéchrist, il se met en colère et regarde comme une injure à lui faite ce qu’on lui dit ; peut-être va-t-il jusqu’à menacer de faire inscrire la personne qui conteste avec lui et l’appelle antéchrist. Le Christ lui dit Sois patient ; si ce qu’on te reproche est faux, réjouis-toi avec moi, car j’ai été moi-même calomnié par des antéchrists : si, au contraire, ce que tu as entendu est vrai, attaque ta conscience ; tu redoutes les accusations, crains davantage encore de les mériter.


11. « Que tout ce que vous avez appris dès le commencement demeure donc toujours en vous. Et si ce que vous avez appris dès le commencement demeure en vous, vous demeurerez aussi dans le Fils et dans le Père. C’est ce que lui-même nous a promis ». Peut-être chercherais-tu une récompense et dirais-tu : Je garde soigneusement en moi le dépôt de ce que j’ai entendu dès le commencement, je m’y conforme ; les périls, les peines, les tentations, je supporte tout pour le conserver intact. Quel bénéfice, quelle récompense en aurai-je ? Qu’est-ce que Dieu me donnera plus tard pour avoir supporté ici-bas tant d’épreuves ? Je ne vois pas qu’il y ait sur la terre la moindre tranquillité : le corps appesantit l’âme et cette enveloppe corrompue l’entraîne à des choses indignes d’elle ; mais je supporte tout, afin que demeure en moi ce que j’ai entendu dès le commencement, et que je puisse dire à mon Dieu : « A cause des paroles sorties de votre bouche, j’ai suivi des voies difficiles[1] ». Pour quelle récompense ? Ecoute, et ne perds pas courage. Si la tribulation t’énervait, que, du moins, la récompense promise te rende ton courage. Celui qui travaille dans une vigne perd-il jamais le souvenir du salaire final. Fais en sorte qu’il n’y pense plus ; et par là même tu lui casseras les bras. Le souvenir de la rémunération promise donne le courage de persévérer dans le travail, et, pourtant, celui qui te l’a promise est un homme ; il peut manquer à sa parole. Combien plus courageux tu dois être à cultiver le champ du Seigneur, puisque tu as reçu la parole de la vérité même, qui ne peut avoir de remplaçant, qui est incapable de mourir ou de tromper ceux à qui elle a fait une promesse ? Et qu’est-ce qui t’a été promis ? Voyons : quel est l’objet de ses promesses ? Est-ce de cet or que les hommes aiment si vivement, ou de l’argent ? Sont-ce des propriétés pour l’acquisition desquelles les hommes sacrifient leur or, quoiqu’ils l’aiment tant ? Sont-ce d’agréables prairies, de vastes habitations, des esclaves en grand nombre, des troupeaux immenses ? Ce n’est point là la digne récompense qu’il nous promet pour nous faire persévérer dans le travail. Quel est son nom ? La vie éternelle. Vous l’avez entendu et vous avez jeté un cri d’allégresse : portez vos affections sur ce qu’on vient de vous nommer, et tirez-vous de vos épreuves pour vous reposer dans la quiétude de l’éternelle vie. Voilà donc ce que Dieu a promis, une vie qui ne finira jamais. Voici ce dont il nous menace : un feu qui ne s’éteindra pas. Que dira-t-il aux hommes placés à sa droite ? « Venez, bénis de mon Père, entrez en possession du royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde ». Et, aux hommes placés à sa gauche ? « Allez au feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges[2] ». Tu n’aimes pas encore le royaume des élus, crains du moins le séjour des damnés.


12. Souvenez-vous donc, mes frères, que le Christ nous a promis la vie éternelle. Voilà, nous dit l’Apôtre, « ce qu’il nous a lui-même promis en nous annonçant la vie éternelle. J’ai cru devoir vous écrire ceci à l’égard de ceux qui vous séduisent ». Que personne ne vous séduise pour vous faire mourir ; désirez voir s’accomplir pour vous la promesse de la vie éternelle. Que peut vous promettre le monde ? Qu’il vous promette ce qu’il voudra, ne mourrez-vous pas peut-être demain ? De quel front oseras-tu paraître en présence de l’Eternel ? – Mais on me fait des menaces ; c’est un homme puissant qui veut me faire du mal.— De quoi te menace-t-il ? De la prison, des chaînes, du feu, des tourments, des bêtes ? Te menacerait-il du feu éternel ? Tremble plutôt en présence des menaces du Tout-Puissant ; aime ce qu’il te promet ; et, alors, le monde entier te semblera méprisable, soit qu’il veuille te flatter, soit qu’il cherche à t’inspirer de l’effroi. « J’ai cru devoir vous écrire ceci à l’égard deceux

  1. Ps. 16, 4
  2. Mt. 25, 31, 41