Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/20

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qu’il proférait ? Ils l’entendaient et ils croyaient en lui, et le fruit de ses paroles, c’était leur foi ; mais quand les Apôtres annoncèrent l’Évangile, ce ne fut pas un petit nombre comme le leur, mais l’univers, la gentilité tout entière qui crut en lui. Voilà, évidemment, quelles plus grandes choses ils devaient opérer. Et cependant Notre-Seigneur ne dit pas : Vous ferez encore de plus grandes choses ; car il ne voulait pas que nous crussions que les Apôtres seuls devaient les faire ; mais il dit : « Celui qui croit en moi fera les œuvres que a je fais, et il en fera de plus grandes ». Est-ce à dire que quiconque croit en Jésus-Christ fait ce qu’a fait Jésus-Christ, et opère même des choses plus grandes que les prodiges opérés par Jésus-Christ ? Ce n’est pas là un sujet à traiter en passant et avec précipitation ; la nécessité de finir ce discours nous oblige à remettre la chose à une autre fois.

SOIXANTE-DOUZIÈME TRAITÉ, SUR LA MÊME LEÇON.

GRANDES ŒUVRES DES CROYANTS.

D’après la parole infaillible de Jésus-Christ, celui qui croit, fait des œuvres aussi grandes et même plus grandes que celles qu’opère le Fils de Dieu, puisque ses fidèles ont converti le monde, fait pratiquer des vertus inouïes, et que ceux qui ont cru en lui se sont changés eux-mêmes, mais avec sa grâce.

1. Que signifie, et en quel sens faut-il entendre ce que dit Notre-Seigneur : « Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais aussi ? » c’est ce qu’il n’est pas facile de comprendre. Comme si ce passage n’était pas déjà suffisamment obscur par lui-même, le Christ y ajoute d’autres paroles encore plus obscures : « Et il fera de plus grandes choses encore ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Nous ne trouvions personne capable de faire les œuvres que Jésus-Christ faisait, trouverons-nous quelqu’un pour en faire de plus grandes ? Nous avions déjà dit dans le discours précédent que c’était un plus grand miracle de guérir les malades par sa seule ombre, en passant, comme font fait les disciples [1], que de les guérir par l’attouchement de sa robe, comme l’a fait Notre-Seigneur[2] ; et comme il y eut un plus grand nombre d’hommes pour croire à la prédication des Apôtres que pour croire à celle de Notre-Seigneur lui-même, c’était là, avons-nous dit encore, ce qu’il nous fallait entendre par ces œuvres plus grandes. Il ne faut pas, néanmoins, s’y tromper : ni le disciple n’est plus grand que le maître, ni le serviteur que le Seigneur, ni le fils adopté que le Fils unique, ni l’homme que Dieu lui-même ; mais Jésus daignait faire par eux-mêmes de plus grandes choses ; car il leur dit, en un autre endroit : « Sans moi vous ne pouvez rien faire [3] ». Effectivement, sans parler de choses qui sont en nombre infini, il a fait ses disciples sans leur intermédiaire : saris eux il a fait le monde, et comme il a daigné se faire homme, il s’est encore fait lui-même sans eux. Pour eux, qu’ont-ils fait sans lui, si ce n’est le péché ? Enfin, ce qui dans ce passage aurait pu nous embarrasser à ce sujet, il le fait bientôt disparaître ; car, après avoir dit : « Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais, et il en fera de plus grandes », il ajoute aussitôt « Parce que moi je vais au Père, et toutes les choses que vous demanderez à mon Père en mon nom, je les ferai ». Il avait dit : « Il fera » ; il dit ensuite : « Je ferai ». C’est comme s’il disait : Que cela ne vous paraisse pas impossible. Car celui qui croit en moi ne pourra jamais être plus grand que moi ; mais c’est moi qui ferai alors des œuvres plus

  1. Act. 5, 15
  2. Mat. 14, 36
  3. Jn. 15, 5