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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/265

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du moins quant aux objets qui en sont formés ; ainsi l’on dit : un anneau d’or, un collier d’or, un bracelet d’or, et autres choses semblables formées de la même masse d’or. Et cependant la différence des noms ne change pas la nature de l’or, quels que soient les objets qui en sont formés. Un anneau, c’est de l’or ; un collier, c’est de l’or ; un bracelet, c’est de l’or. Prenez trois morceaux d’or ; tous sont de l’or, celui-ci est de l’or, chacun est de l’or, tout est de l’or ; abstenez-vous de toute pluralité, si vous le pouvez. L’or, sous quelque nom qu’on le désigne, est toujours de l’or ; quant aux objets qu’il forme, il reçoit différentes dénominations ; mais dans son genre il est toujours le même. Dans la Trinité, de quelque personne qu’il s’agisse, elle est Dieu. Vous nommez le Père, il est Dieu ; vous nommez le Fils, il est Dieu ; vous nommez le Saint-Esprit, il est Dieu. Il n’y a qu’un seul Dieu. La Divinité n’admet donc pas de nombre, parce que la Trinité n’admet aucune distinction quant à la nature. Comme elle n’admet pas de nombre, elle ne saurait non plus admettre d’accroissement.
5. Mais, dites-vous, ne peut-on pas dire les dieux, s’il y a trois personnes dans l’unité de nature ? Gardez-vous bien de vous arrêter à de telles apparences. Dès l’origine du monde, le démon s’est trahi sur ce point ; car, en voulant tromper les hommes il a osé pluraliser les dieux en disant : « Vous serez comme des dieux », au lieu de dire : Vous serez comme Dieu. Il préparait ainsi la voie aux idoles, lui qui avait été rejeté par l’unité divine. Enfin, soit qu’il ait tenu ce langage du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ou bien des hommes eux-mêmes, sous prétexte qu’ils deviendraient des dieux, il a menti de toute manière, il est devenu le père du mensonge. Si nous admettons des dieux, quelle différence établir entre le chrétien et le gentil, lequel croit à la pluralité des dieux, s’en forge de grands et de petits et s’éloigne ainsi, par vanité et par erreur, du Dieu unique et véritable ? Si le chrétien embrasse une telle doctrine, en quoi le païen peut-il être condamné ? Qu’il affirme, qu’il soutienne deux ou trois dieux, celui qui, méprisant l’autorité de la règle de foi, n’admet pas l’unité de nature dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et divise la Trinité essentiellement inséparable dans son unité. En séparant ainsi la Trinité, il s’efforce de tuer la vérité ; de même, en admettant de l’inégalité parmi les personnes, il introduit nécessairement la division dans la divinité elle-même ; que cette inégalité soit basée sur la durée ou sur le mérite, peu importe ; car la nature cesse d’être égale et par conséquent d’être une. Pour nous, chrétiens, comme nous l’avons dit, il n’y a qu’un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. L’égalité n’admet pas de degrés, l’unité rejette la diversité, et la divinité ne dégénère ni par le nom, ni par la nature.
6. Mais en me laissant entraîner par la grandeur du sujet, voici que je touche à des hauteurs redoutables. La fête de ce jour nous ramène à d’autres idées. Passons donc sous silence ce qu’il y a de mystérieux dans les sacrements, et traitons de ce qui regarde l’incarnation elle-même. En effet, mes frères, en ce jour les anges ont tressailli, les cieux ont frémi, les éléments du monde ont rebondi, et dans les limbes les victimes de la mort ont été saisies de joie à la pensée de leur délivrance. Qu’en ce jour aussi la joie rayonne sur le front du peuple chrétien ; car vient de naître dans la chair le Sauveur du monde, et le crime du premier homme a été effacé. Le Seigneur est né dans une chair véritable, et la nature a été vaincue dans cette naissance, parce qu’une vierge a conçu et enfanté sans porter aucune atteinte à sa virginité et parce qu’elle est devenue véritablement mère, tout en restant vierge. Le Seigneur est né en ce jour, le monde a été racheté et le démon a été vaincu. Contemplez ce prodige. L’agneau vient de naître, et le loup a été mis en fuite. L’agneau vient de naître, et il a été annoncé aux bergers tout à la fois comme bon pasteur et comme agneau ; comme pasteur, pour garder et pour nourrir le troupeau ; comme agneau, pour servir de victime. Désigné comme agneau, il nous est aussi présenté comme bélier et comme brebis. Il était ce bélier retenu par les cornes dans les épines, lorsque le bienheureux Isaac se préparait à sa propre immolation. Isaac fut arraché à la mort, mais Jésus fut attaché à la croix. Isaac, chargé de liens, fut étendu sur le bois du sacrifice ; Jésus-Christ percé de clous, fut suspendu à la croix, après avoir porté une couronne d’épines, lui qui avait eu une couronne tissée de pierres précieuses, couronne d’autant plus belle qu’elle avait été formée par son Père. Un bélier porte sur son front toute sa force ; toute notre force nous vient de