Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/273

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progressera dans le bien, tandis que le juif périra dans son endurcissement. La verge d’Aaron était réellement la figure de la vierge Marie, qui a conçu et enfanté le véritable prêtre dont il a été dit : « Tu es prêtre pour l’éternité[1] ». Au verset précédent il avait été dit : « Le Seigneur fera sortir de Sion, la verge de sa puissance ». En effet, le fruit produit par la verge était la ligure du corps de Jésus-Christ. Une noix dans son unité renferme trois substances distinctes : l’enveloppe, la coque et le noyau. L’enveloppe figure la chair, la coque figure les os et le noyau figure l’âme. L’enveloppe figure la chair du Sauveur, laquelle a porté les aspérités et les amertumes de la passion ; le noyau figurerait bien la douceur intérieure de la Divinité, de qui nous recevons à la fois la nourriture et la lumière ; la coque représenterait le bois longitudinal de la croix, désignant non pas ce qui est intérieur et extérieur, mais les choses terrestres et les choses célestes mises en communication les unes avec les autres par l’intermédiaire de la croix, selon cette parole de l’Apôtre : « Par le sang de sa croix il a pacifié soit les choses qui sont au ciel, soit les choses qui sont sur la terre[2] ». Voilà, ô Juif, comment votre verge figurait notre Vierge.
24. Même au seul point de vue de l’étymologie, vierge est pour ainsi dire synonyme de verge (virgo, virga). À la différence d’une lettre, ces deux mots font entendre le même son. Or, veulent-ils se convaincre que la verge désignait la Verge ? Qu’ils méditent ces paroles d’Isaïe : « Une verge sortira de la souche de Jessé[3] ». La verge est de la race de Jessé ; Jessé est le père de David ; la verge est donc de la famille de David, et cette verge, c’est Marie. Jessé, étant un homme, n’a pu produire du bois, c’est-à-dire une verge. Ce qui est sorti de Jessé, ce n’est donc pas une verge, mais la vierge Marie qui, répondant à sa race selon la chair, reproduisit le miracle de la verge d’Aaron, puisqu’elle conçut et enfanta, quoique toujours elle fût restée vierge. Il est vrai que l’on a tenté d’appliquer cette prophétie à David lui-même ; mais cette opinion se réfute d’elle-même, ne fût-ce qu’à raison du temps. En effet, David était mort lorsqu’Isaïe prophétisa, et pourtant c’est le futur qu’il emploie, à l’exclusion du passé : « Une verge sortira de la souche de Jessé ». « Sortira » et non pas, est sortie. D’ailleurs le Prophète ajoute : « Une verge sortira de la souche de Jessé, et une fleur montera de sa racine ». Cette fleur, c’est la chair du Seigneur ; car cette chair fut formée miraculeusement en dehors de tout concours de l’homme, et elle conserve toute sa beauté native. « Une fleur montera de sa racine, et l’Esprit du Seigneur se reposera sur elle ». Sur qui ? il est évident que c’est sur la fleur. « L’Esprit de sagesse et d’intelligence, l’Esprit de conseil et de force, l’Esprit de science et de piété, et l’Esprit de crainte l’a remplie. Elle ne jugera pas selon la gloire, elle n’accusera pas sur un ouï-dire, mais elle jugera par « un humble jugement et elle accusera les orgueilleux de la terre. Elle ébranlera la terre par la parole de sa bouche, et elle écrasera l’impie par l’Esprit qui siégera sur « ses lèvres ; la justice ceindra ses reins, et la vérité l’enveloppera comme d’un vêtement[4] ». Un peu plus loin nous lisons également : « En ce jour apparaîtra la souche de Jessé ; celui qui s’élèvera sera le prince des nations, et tous les peuples espéreront en son nom[5] ». O fleur roi ! ô fleur juge ! De même que cette verge n’est pas la verge, mais la Vierge, de même cette fleur n’est pas la fleur de la verge, mais la chair formée dans le sein de la Vierge. Marie a réellement produit cette fleur de sa virginité et a tiré de sa chair la chair du Messie ; mais cette génération n’a rien qui ressemble à la génération du péché ; car Jésus-Christ dans son humanité ne doit rien à l’action de l’homme, puisqu’il a été conçu du Saint-Esprit. La verge d’Aaron prophétisait ainsi la vierge Marie. Si donc cette verge a pu fleurir sans sève ni racine, une vierge en restant vierge n’aurait pu engendrer dans une parfaite incorruptibilité ? Mais, disent nos adversaires, ce n’est que par un miracle que la verge d’Aaron a pu fleurir. Eh bien ! c’est par un miracle plus grand encore que s’est opérée l’Incarnation : la verge d’Aaron n’était qu’une image et une figure ; mais ici nous trouvons la réalité dans tout son éclat et sa divinité.
25. Un autre témoignage plus grand encore et plus formel nous est fourni par Ézéchiel ; nous en avons fait la lecture hier dimanche, mais

  1. Ps. 110, 4
  2. Col. 1, 20
  3. Isa. 11, 1
  4. Isa. 2, 25
  5. Id. 10