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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/326

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nous sommes appelés, suave parfum consacré à Jésus-Christ et versé en abondance sur la tête des enfants innocents. Cette onction nous consacre tous à Jésus-Christ notre chef, et fait de nous des prophètes et des rois. Des rois, parce que nous devons nous commander à nous-mêmes et maîtriser nos vices ; des prophètes, parce que nous voyons par la foi tout ce qui s’est fait dans le passé, et nous attendons pour l’avenir la béatitude éternelle à laquelle nous croyons du fond de nos entrailles. Si donc la matière dont nous naissons a pu plaire à Dieu, à combien plus forte raison celle dont nous vivons. Car, pour faire le sacrement de son corps, Jésus-Christ a voulu se servir de pain, en nous promettant d’y trouver la vie. Ensuite il a voulu que tous ceux qu’il comptait parmi ses membres vécussent de la nourriture de son corps, pour empêcher ces membres de se mépriser les uns les autres, puisque celui qui refuse de manger avec les autres se trouve par cela même hors de la société des membres de Jésus-Christ. 7. Toutefois, n’oublions pas quels éléments sont destinés à être changés au corps et au sang de Jésus-Christ. C’est le pain et le vin. Considérez, mes frères, combien de grains de froment entrent dans la confection du pain et combien de grains de raisin entrent dans la confection du vin ; cette réflexion nous révélera l’accomplissement de cette parole de l’Apôtre : « Si nombreux que nous soyons, nous ne formons qu’un seul corps[1] ». Il nous faut donc, sous le pressoir et sous la meule de la discipline ecclésiastique, nous confondre dans une véritable unité, de manière que, moulés par la foi, nous ne laissions paraître entre nous aucune différence essentielle. Voyez, mes frères, si vous ne trouvez pas un véritable corps dans ce qui devient le corps de Jésus-Christ par les paroles sacramentelles ; car, dans l’admirable unité de son corps il ne veut laisser apparaître aucune différence entre le Maître et le serviteur, entre le dernier des sujets et le roi sur le trône, entre le pauvre et le riche ; dans ce corps, la ferveur de la foi exclut toute distinction de personnes et y amène promptement les plus petits grains à la grosseur des plus grands. C’est donc avec raison que le Seigneur a choisi ce genre d’oblation où pain et le vin devaient être changés en la substance adorable de son corps et de son sang ; c’est avec raison qu’il a institué ce sacrifice dans lequel se reflètent d’une manière si vive la paix et l’unité. Si l’union et la concorde apparaissent quelque part, n’est-ce point surtout dans la farine extraite des grains de froment et dans le vin extrait des grappes de raisin ? Telle est la matière dont Jésus-Christ, l’auteur de la paix, daigne se servir pour faire le sacrement de son corps. Or, il a voulu que ce sacrifice fût pour nous comme un centre d’attraction et d’unité, afin qu’en offrant ces hosties de paix nous soyons censés ne former qu’un dans les liens du culte de Jésus-Christ et dans le souvenir de notre rédemption, toutes choses qui nous empêchent de retourner à nos anciennes superstitions, puisque nous ne sommes plus que les membres d’un seul corps sous un seul chef.
8. Dans ces sacrifices aussi saints que dignes de Dieu, la pureté des hosties n’offre aucun appât ni à la sensualité ni aux instincts de la gourmandise, ni à une honteuse intempérance. Nous sommes imprégnés d’un parfum tout céleste et rassasiés d’un aliment tout spirituel. Dans la plus petite parcelle de l’hostie, les fidèles reçoivent Jésus-Christ tout entier. Il leur suffit d’aspirer quelques gouttes du sang divin pour être abreuvés de la vie éternelle. Que personne ne dise : Je vois du pain, on m’apprend que c’est le corps ; je prends le vin, on me (lit que c’est le sang. Le Seigneur nous a donné son corps et son sang sous de simples espèces ou apparences ; par ménagement pour nous il a écarté tout ce qui aurait pu nous causer du dégoût ou de l’horreur, et cependant c’est véritablement son corps qu’il nous a donné. Écoutez ce qu’il nous dit lui-même : « Sachant que ses disciples murmuraient, le Sauveur leur dit : « Est-ce que cela vous scandalise ? Si donc vous voyiez le Fils de l’homme remontant où il était auparavant[2] ? » Avant que Jésus-Christ remontât au ciel, la faiblesse humaine pouvait plus facilement se scandaliser ; mais, maintenant qu’il est remonté au ciel, comment concevoir le moindre doute sur la véracité de ses paroles, quand nous le voyons prendre en maître possession du royaume des cieux ?
9. Rendons grâces à Dieu qui nous réjouit

  1. Rom. 12, 6
  2. Jn. 6, 62,63