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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/335

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tous parfaitement que Jésus-Christ a été vendu, que les Juifs l’ont acheté à celui qui devait le leur livrer, que le prix de la trahison a été rendu aux acheteurs sacrilèges, que le corps du traître Judas resta suspendu entre le ciel et la terre, que Jésus-Christ fut traduit devant le tribunal, que la femme de Pilate, avertie en songe, certifia à son époux de l’innocence de Celui qu’il avait à juger, que Pilate se lava les mains pour protester qu’il était innocent du sang de ce buste, que Barabbas, un insigne malfaiteur, fut mis en liberté, et que Jésus, après avoir été flagellé, fut conduit au Calvaire pour y mourir. O genre humain, que faites-vous ? Et pourtant l’esprit se porte de préférence du côté où les Juifs se sont couverts d’une honteuse culpabilité.
2. Au moment où une troupe d’hommes méchants, armés de glaives et de bâtons, sortaient pendant la nuit pour aller s’emparer de Jésus, le Seigneur se présenta de lui-même à leur rencontre ; car il connaissait leurs dispositions. Selon le texte de l’Évangile de saint Jean, le Sauveur se tenait debout au milieu d’eux, et pourtant ils ne laissent pas de dire : « Nous cherchons Jésus de Nazareth ». Ils cherchaient donc la lumière dans les ténèbres de la nuit, mais les ténèbres ne voyaient pas la lumière dans les ténèbres. Du moins, mes frères, écoutons ce que la Lumière de la lumière dit aux ténèbres « marchant dans l’ombre de la mort[1] : Qui cherchez-vous ? » Les ténèbres répondent à la lumière : Jésus « de Nazareth[2] ». Le Sauveur répondit : « C’est moi que vous cherchez. En entendant ces paroles, ils tombèrent à la renverse[3] ». Ils tombèrent tous dans les ténèbres, et ils devinrent comme un monceau de ténèbres. Mais parce que la Lumière luit dans les ténèbres, elle les releva, afin de leur montrer la patience de son humilité. De nouveau Jésus leur dit : a Qui cherchez-vous ? ils répondirent : Jésus de Nazareth ; et Jésus leur dit : « Je suis celui que vous cherchez[4] ». O Juifs aveugles, vous avez entendu sa voix et vous êtes tombés ; vous vous êtes relevés et vous ne l’avez pas reconnu. Quel est donc celui que vous cherchez et en présence duquel vous tombez ? C’est ce Jésus de Nazareth que vous avez hâte de saisir pour le crucifier. D’où vient donc cet effroi qui vous a renversés ? Quelle menace de sa part a pu vous ébranler ? L’avez-vous entendu vous menacer ? Qu’avait-il donc de si terrible ? Il se contente de parler et vous tombez ; que ferez-vous donc lorsqu’il viendra vous juger dans toute sa puissance ? Où sont donc les glaives et les bâtons que vous avez apportés ? Ces glaives et ces bâtons, n’êtes-vous pas tombés avec eux, et si le Seigneur ne vous avait pas permis de voies relever, vous seriez encore la face contre terre. Or, Jésus-Christ a voulu vous montrer que tout est possible à sa puissance infinie et que c’est librement qu’il s’est livré entre vos mains.
3. O limon, ô terre, ô cendre, est-ce donc là ce que vous rendez à votre Créateur ? Pour vous avoir donné l’être, est-ce ainsi que vous lui témoignez votre reconnaissance ? O nation sacrilège, vous frappez de plus en plus le corps du Seigneur, et voles voulez qu’il soit tout meurtri avant d’arriver au Calvaire. Barbares, vous avez rassemblé tout une cohorte de bourreaux, et vous accourez ainsi au triste spectacle de la croix ; vous êtes là tous présents, afin qu’il soit mieux prouvé que tout le peuple participe à cet horrible sacrilège. Votre vœu sera exaucé, et celui qui a commis le crime en portera le châtiment. Feignant de désirer un roi, vous vous jouez de votre captif, et par dérision vous jetez sur ses épaules un lambeau de pourpre. Mais dans ce haillon de couleur rouge brille le sang de la Passion du Sauveur. Vous ceignez son front d’un diadème formé d’épines longues et acérées, afin de réaliser cette parole de l’Écriture : « J’ai attendu que ma vigne portât des raisins, et elle n’a produit que des épines[5] ». En guise de sceptre consulaire, un roseau est placé dans sa main pour insulter de nouveau à sa dignité royale. Mais il était écrit : « Il ne brisera pas le roseau rompu et il n’éteindra pas le tison enflammé », c’est-à-dire leur cruauté, « jusqu’à ce qu’il achève sa victoire, et les nations espéreront en son nom[6] ».
4. Le visage du Sauveur fut couvert de honteux soufflets, son front sacré fut souillé d’infâmes crachats, comme l’avait annoncé le Prophète : « J’ai présenté mes joues aux soufflets, et je n’ai pas détourné ma face de la honte des crachats[7] ». La croix est ensuite chargée sur ses épaules, selon cette autre parole : « Lui-même a porté nos infirmités, et il a soutenu notre faiblesse[8] ». Après toutes

  1. Is. 9, 2
  2. Jn. 18, 4,5
  3. Id.5,6
  4. Id.7,8
  5. Is. 5, 4
  6. Id. 42, 3,4
  7. Id. 50, 6
  8. Id. 53, 4