Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/401

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ou : « Le Seigneur soit avec vous », vous avez entendu : « En haut les cœurs ». Or, toute la vie du vrai chrétien, c’est le cœur en haut, non plus la vie de ces chrétiens de nom seulement, mais des chrétiens en réalité et en vérité : toute leur vie, c’est le cœur en haut. Qu’est-ce à dire le cœur en haut ? Espérer en Dieu et non en toi-même. Car tu es en bas, mais Dieu est en haut. Mettre en toi ton espérance, c’est avoir le cœur en bas, non plus en haut. Donc à cette parole du prêtre. « Les cœurs en haut ! » répondez : « Nous les tenons vers le Seigneur ». Travaillez à justifier cette réponse. Puisque telle est votre réponse dans l’action divine, qu’il en soit selon votre parole. Que la langue ne dise pas oui, et la conscience non ; et comme c’est un don que Dieu vous fait, d’avoir le cœur en haut, et que cela ne vient point de vos forces, de là vient qu’ensuite, quand vous avez affirmé que vos cœurs sont en haut, le prêtre continue : « Rendons grâces au Seigneur notre Dieu ». Pourquoi lui rendre grâces ? Parce que notre cœur est en haut, et qu’il serait à terre si le Seigneur ne l’eût soulevé. Viennent ensuite les effets produits par les saintes prières que vous allez entendre, quand, d’un mot, sont produits le corps et le sang du Christ. Ôtez le Verbe en effet, c’est du pain, c’est du vin ; mais avec la parole il en est tout autrement. Qu’y a-t-il alors ? Le corps du Christ, le sang du Christ. Ôtez la parole, c’est du pain, c’est du vin. Joignez-y la parole, et voilà un sacrement. À cela vous répondez : Amen ; dire amen, c’est souscrire ; car Amen signifie, en latin, cela est vrai. On dit ensuite l’oraison dominicale que vous avez déjà entendue et récitée. Mais pourquoi la réciter avant de recevoir le corps et le sang du Christ ? C’est parce que si, d’après l’humaine fragilité, il nous est venu en l’esprit une pensée honteuse, si notre langue a échappé telle parole inopportune, si notre œil s’est arrêté sur une image lubrique ; si nous avons prêté l’oreille au langage de la flatterie, ou enfin si les tentations de ce monde et l’humaine fragilité nous ont fait contracter quelques fautes semblables, tout cela est effacé par l’oraison dominicale, où nous disons : « Pardonnez-nous nos « offenses[1] », c’est afin que nous puissions approcher en toute sûreté, et que nous ne mangions pas, nous ne buvions pas, pour notre jugement, ce qui nous est présenté. On dit ensuite : « Que la paix soit avec vous ». C’est un grand symbole que le baiser de paix. Donne ce baiser en ami. Garde-toi d’être Judas. Le traître Judas baisait le Christ, de la bouche, et lui dressait des embûches dans son cœur. Mais peut-être quelqu’un a-t-il de la haine contre toi, et tu ne saurais le convaincre, et tu es forcé de le tolérer. Garde-toi de lui rendre dans ton cœur le mal pour le mal. Il te hait, aime-le, et tu le baiseras en sûreté. C’est là peu de paroles, mais de grandes paroles. Loin d’en mépriser la brièveté, sachez en apprécier la valeur. D’ailleurs, il ne fallait point trop vous charger, afin que vous puissiez retenir ce que l’on vous dit.

  1. Mat. 6, 12