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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/407

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Confessons au Seigneur qu’il est bon, que sa miséricorde est éternelle. Toute louange n’est point une confession, mais la louange de Dieu Notre-Seigneur. S’il est bien vrai de dire : « Combien le Dieu d’Israël est bon à ceux qui ont le cœur droit », il paraît mauvais à l’homme au cœur pervers. Or, quel homme, s’il n’arrive de la perversité à la doctrine, de manière à louer en toute sincérité ce qu’il blâmait auparavant, à admirer ce qu’il méprisait, confessera au Seigneur que, depuis que lui-même est devenu droit, il trouve bon ce même Seigneur, qu’il estimait mauvais quand lui-même était pervers ? Et comme il était pervers par sa propre malice, et qu’il est redressé par la grâce de Dieu, il doit confesser en même temps « que sa miséricorde est dans les siècles[1] ». Nous sommes mauvais, et Dieu est bon ; c’est par lui que nous sommes bons, par nous que nous sommes mauvais. Il est bon pour nous quand nous sommes bons, et bon encore quand nous sommes mauvais. C’est nous qui sommes cruels contre nous-mêmes, lui qui est miséricordieux envers nous. Il nous appelle pour nous convertir ; il attend que nous nous convertissions ; il nous pardonne si nous nous convertissons, et nous couronne si nous ne le quittons point.

3. Confessons donc au Seigneur « qu’il est bon, que sa miséricorde est pour les siècles ». Toujours la confession des péchés a paru redoutable aux hommes, mais devant un homme qui est juge. Il n’arrive pas souvent que les fouets, la verge, les crocs et même le feu arrachent un aveu de la bouche ; et quelquefois les membres sont brisés par les tortures, le corps est disloqué avant que la douleur ait déterminé l’âme à faire l’aveu d’un crime. Le bourreau insiste alors, on multiplie tous les genres de tourments ; mais c’est en vain que l’on châtie les entrailles en les déchirant, quand la négation ferme la conscience. Pourquoi donc, au milieu de ces tortures, l’homme a-t-il craint de faire un aveu, sinon parce que l’on châtie d’ordinaire quiconque avoue sa faute ? Se confesser devant un homme, c’est encourir le châtiment. Se confesser devant Dieu, c’est obtenir sa délivrance. Et là, rien d’étonnant. L’homme force l’homme à confesser ce que lui-même ignore ; mais Dieu, qui nous invite à la confession, sait bien ce que nous refusons de confesser, et ne l’apprend point par notre aveu. À combien plus forte raison nous délivrera-t-il de la mort éternelle, après notre confession, lui qui épargnait la mort du temps à nos iniquités, qu’il connaissait avant notre aveu.

4. Mais, diras-tu peut-être, pourquoi Dieu exige-t-il de moi l’aveu de ce qu’il connaît déjà ? Car l’homme n’interroge un autre homme que pour connaître ce qu’il ne connaît pas. Quel est, crois-tu, le dessein de Dieu, sinon de te faire châtier ta faute par un aveu, afin de t’en délivrer lui-même par le pardon ? Comment vouloir, en effet, qu’il te pardonne ce que tu refuses de reconnaître ? Écoute, en effet, le psaume, et, avec un peu d’attention, reconnais ta parole où elle se trouve. « J’ai connu mon péché », dit un pénitent, « et je n’ai point cherché à cacher « mon crime. J’ai dit : Je confesserai contre « moi mes prévarications au Seigneur, et vous m’avez remis  l’impiété de mon cœur[2] ». Écoute un autre psaume : « Parce que moi-même je reconnais mon iniquité, et mon péché est toujours devant mes yeux ». Dès lors, ce pénitent pouvait, sans impudence, dire à Dieu : « Détournez votre visage de mes iniquités[3] ». Le Seigneur daigne, en effet, détourner sa face des péchés d’un homme, quand cet homme ne cherche point à détourner les yeux de ses propres fautes, de manière à dire à Dieu : « Mon péché est toujours devant ma face[4] ». Et dès lors, dire à Dieu : « Détournez votre face de mes péchés », c’est lui demander qu’il les pardonne, et non qu’il les ignore. Si donc, ô homme, tu crains d’avouer tes fautes devant un homme qui te jugera, soit parce qu’il est inique, soit parce qu’il doit agir selon la sévérité de la loi, confesse-les en toute sincérité au Seigneur, « parce qu’il est bon, parce que sa miséricorde est pour le siècle ».

  1. Psa. 62, 1
  2. Psa. 31, 5
  3. Id. 1, 5
  4. Id. II