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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/412

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vous, et qui a proclamé en vous une si grande supériorité sur lui-même. Quel est-il ? Voilà ce qu’il a dit de vous. Mais vous, parlez-nous de lui. Écoutez ce que le Seigneur nous dit à propos de Jean : « Parmi ceux qui sont nés à des femmes, nul n’est plus grand que Jean-Baptiste[1] ». Et que dit-il encore ? « Mais « celui qui est moindre, est plus grand que lui dans le royaume des cieux ». Ici, le Seigneur se désigne lui-même ; car Dieu ne se montre point quand il proclame sa grandeur. Qu’est-ce à dire : « Celui qui est moindre ?[2] » Celui qui vient après par l’âge, est le premier par la majesté. Car Notre-Seigneur Jésus-Christ est né après Jean, mais en ce qu’il s’est fait pour nous, et non en ce qu’il nous a faits. Écoute le Père proclamer que celui qui est né après Jean, « il l’a engendré[3] », non plus avant Jean, non plus avant David, non plus avant Abraham, mais, « avant l’aurore ». Si donc, par condescendance pour notre faiblesse, la lampe a précédé le plein jour, et si l’on a cru que la lampe était la lumière, combien plus devons-nous croire à la lumière qui nous dit de la lampe, que « nul d’entre les fils des femmes n’est plus grand que Jean-Baptiste? » Quand donc cet homme qui n’avait point de supérieur parmi les hommes, se reconnaît indigne de dénouer les cordons des souliers d’un autre, quel est cet autre, pour qu’il ne se croie pas digne de dénouer les cordons de ses souliers, celui-là même qui n’a point de supérieur ? Si Jean est tellement grand que nul homme n’était plus grand que lui, quiconque est plus grand que lui, n’est déjà plus un homme. Or, il est bien juste que la sainteté de Dieu s’épanouisse sur celui qui est plus qu’un homme, et qui s’est fait homme à cause des hommes.

4. C’est en effet sur lui que le Saint-Esprit est descendu en forme de colombe : la fleur de la sainteté, sous l’image de la colombe, sous une forme simple et innocente, s’est montrée pleinement à Jean, accomplissant cet oracle : « Et sur lui s’épanouit la fleur de ma sainteté. Pour moi », dit-il, « je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et se reposer, c’est celui-là qui baptise dans le Saint-Esprit. Et moi », poursuit-il, « je l’ai vu et je rends ce témoignage que c’est l’élu de Dieu[4] ». De qui rend-il ce témoignage ? De celui sur lequel il a vu fleurir la sainteté du Père. D’où a-t-il vu descendre l’Esprit-Saint ? car jamais le Saint-Esprit n’a été séparé du Fils, non plus que le Fils du Saint-Esprit, ni le Fils du Père, ou le Père du Fils, ou le Saint-Esprit du Fils ou du Père. Ni le Père n’est venu quelque temps avant le Fils, ni le Fils quelque temps après le Père ; car le temps n’est point en eux. Le Père, le Fils, le Saint-Esprit sont un même Dieu qui a créé le temps. Il n’y a donc point lieu de dire : Le Père est le premier, le Fils le second. D’où vient le Père, de là aussi vient le Fils. Mais, diras-tu, d’où vient le Père ? Te voilà par la pensée bien au-dessus de la terre, et du ciel, et des anges, des choses visibles et des choses invisibles, bien au-dessus de tout ce qui est créé, et tu demandes : Où commence le Père ? Ce langage ne convient pas à ce qui est éternel. Ne demande point l’origine, si ce n’est pour ce qui commence. Ne t’enquiers point d’où vient ce qui est le commencement de tout ce qui commence, et qui n’a son commencement en rien, puisqu’il n’a point commencé. Or, comme le Père n’a point commencé, le Fils n’a point commencé non plus, mais le Fils est la splendeur du Père. Ainsi la clarté du feu vient d’où vient aussi le feu et la splendeur du Père vient d’où vient le Père. Or, d’où vient le Père ? de l’éternité et pour l’éternité. De même la splendeur du Père vient de l’éternité pour l’éternité, et néanmoins, comme il est sa splendeur, son Fils, bien qu’il n’ait pas commencé dans le temps, il est engendré par le Père. Qui comprendra ces choses ? Purifie ton cœur, secoue la poussière, efface toute souillure. Apportons nos soins à guérir tout ce qui trouble notre œil intérieur, et alors nous apparaîtra ce que l’on nous enseigne et ce que l’on croit avant de le voir.

5. Nous croyons, néanmoins, mes frères. Que croyons-nous ? Que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne se devancent nullement parle temps. Et toutefois, quoique le Père, le Fils et l’Esprit-Saint ne se devancent par aucun temps,

  1. Mat. 11, 11
  2. L’éditeur trouve que la ponctuation du saint docteur est meilleure ici que dans les exemplaires grecs et latins, qui disent ici et dans saint Luc, 7, 28 : Qui autem minor est in regno cœlorum, major est illo. Quel serait ce moindre du royaume des cieux, glus grand que Jean-Baptiste ?
  3. Psa. 109, 3
  4. Jn. 1, 33,31