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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/430

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SEIZIÈME SERMON.
POUR LA FÊTE DES MARTYRS SCILLITAINS.[1]

ANALYSE. —1. À l’exemple des martyrs, on ne doit renier le Christ, ni à cause des biens superflus du monde, ni à cause des biens nécessaires. —2. D’où vient et qu’est-ce que l’amour du prochain.—3. La santé et un ami, deux choses nécessaires, comment les envisager. —4. Lutte entre le martyr et le persécuteur, au sujet du superflu. —5. Lutte entre le martyr et le persécuteur, au sujet du nécessaire. —6. De quelle manière on apostasie le Christ.—7. La constance récompensée dans le ciel.

1. Craignant de mourir s’ils vivaient, les saints martyrs, les témoins de Dieu, ont préféré mourir afin de vivre, de peur que l’effroi de la mort ne leur fît renier la vie, ils ont méprisé la vie par amour de la vie. Pour leur faire apostasier le Christ, l’ennemi leur promettait la vie, mais non telle que la promettait le Christ. Leur foi donc aux promesses du Sauveur leur a fait dédaigner les menaces des persécuteurs. Mes frères, quand nous célébrons les fêtes des martyrs, puissions-nous connaître ce que nous pouvons acquérir en imitant leurs exemples. Cette foule qui se presse n’ajoute rien à leur gloire. Car leur couronne est en spectacle à la foule des Anges ; et nous, la lecture de leurs combats nous les peut faire connaître. Ce qu’ils ont acquis, « l’œil ne l’a point vu, l’oreille ne l’a point entendu[2] ». Parmi les biens de cette vie, en effet, les uns sont superflus, les autres nécessaires. Écoutez à ce sujet nos paroles, et distinguons autant que possible quels sont ici-bas les biens superflus, et quels sont lesbiens nécessaires, afin que vous compreniez qu’on ne doit apostasier le Christ ni pour les biens superflus, ni pour les biens nécessaires. Qui pourra énumérer les choses superflues de la vie ? Entreprendre de les énumérer, c’est nous retarder beaucoup. Disons donc ce qui est nécessaire ; le reste, quel qu’il soit, sera superflu. Voici les deux biens nécessaires en ce monde : la santé et un ami. Tels sont les deux biens dont nous devons faire grand cas, et que nous ne saurions mépriser. La santé et un ami sont deux biens naturels. Dieu, en faisant l’homme, voulut qu’il existât, qu’il vécût c’est la santé. Mais de peur qu’il ne demeurât seul, il lui donna l’amitié. Dès lors l’amitié commence par l’épouse et par les enfants, pour s’étendre jusqu’aux étrangers. Mais si nous considérons que nous n’avons qu’un seul père et une seule mère, quel sera pour nous l’étranger ? Tout homme a pour prochain tout autre homme. Interroge la nature. Est-ce un inconnu ? c’est un homme. Un ennemi ? c’est un homme. Un étranger ? c’est un homme. Un ami ? Qu’il demeure ami. Est-il ennemi ? Qu’il devienne ami.

2. A ces deux choses nécessaires en cette vie, la santé, et un ami, vient se joindre la Sagesse qui est étrangère. Elle ne trouve ici-bas que des insensés, qui s’égarent, qui s’éprennent du superflu, qui aiment ce qui est du temps, qui ne savent rien de l’éternité. Cette sagesse n’est point aimée des insensés. Or, comme elle n’était point aimée des insensés, elle a revêtu la forme du prochain, et s’est ainsi approchée de nous. C’est là tout le mystère du Christ. Quoi de plus éloigné que la folie et la sagesse ? Quoi de plus rapproché que l’homme et l’homme ? Oui, dis-je, quoi de plus éloigné que la folie et la sagesse ? La sagesse

  1. Au catalogue, fol. 39, on lit : « Sermon de saint Augustin, évêque, pour la fête des saints martyrs de Scillite ».— Originaires d’un bourg nommé Scilla ou Scillite dans l’Afrique proconsulaire, ils furent martyrisés à Carthage au nombre de douze, comme on le croit, vers l’an 200. on trouve dans Baronius d’autres actes à l’année 202, et d’autres encore chez les Bollandistes, tom. 4, de la bibliothèque ecclésiastique de Tolède, au 17 juillet, jour où l’on en fait mémoire. Saint Augustin prêcha en leur honneur dans la basilique de Carthage le sermon CLV, de notre édition. Mais, comme Possidius mentionne deux traités dans son Indic., Opp, eb. 9 ; Ge. Cuper, Acta Sanctorum, tom. sit, pag. 206, dit, à propos de l’autre sermon, qu’il n’a point paru même dans les plus récentes éditions de saint Augustin et qu’il doit être perdu, ou dans la poussière. Mais, grâce au cardinal Garainpius, il sort de cette poussière, comme une relique admirable du génie d’Augustin.
  2. 1Co. 2, 9