Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

chose en un autre endroit, et il doit vous souvenir que je vous en ai parlé de mon mieux[1]. En ce passage Notre-Seigneur dit : « Je vous donne un commandement nouveau, « de vous aimer les uns les autres, comme je vous ai aimés, afin que vous vous aimiez les uns les autres [2] ». Cette répétition du même commandement est une recommandation. Dans le premier cas il dit : « Je vous donne un commandement nouveau », comme si auparavant pareil commandement n’avait jamais été donné ; dans le second passage il dit : « C’est là mon commandement », comme s’il n’en avait point donné d’autre. Dans le premier cas, ce commandement est appelé nouveau, pour que nous ne persévérions pas dans nos vieilles habitudes ; et dans le second cas il dit : « mon commandement », pour que nous ne le méprisions pas.
3. Quant à ce que dit Notre-Seigneur : « C’est là mon commandement », comme s’il n’en existait point d’autres, pensez-vous, mes frères, que Notre-Seigneur n’a voulu nous imposer d’autre commandement que celui de l’amour que nous devons avoir les uns pour les autres ? N’y a-t-il pas un autre commandement plus grand : celui d’aimer Dieu ? ou bien Dieu ne nous commande-t-il que la charité, sans nous prescrire autre chose ? Cependant, il y a trois choses que l’Apôtre nous recommande par ces mots : « Or, la foi, l’espérance et la charité demeurent ; elles sont trois ; mais la charité est la plus grande des trois[3] ». Quoique les deux autres vertus qui nous sont prescrites soient contenues dans la charité, cependant l’Apôtre dit, non pas que la charité est la seule vertu, mais qu’elle est plus grande que les autres. Et en effet les commandements si nombreux qui sont relatifs à la foi et à l’espérance, qui estce qui pourrait les réunir en un seul code et les énumérer ? Mais remarquons ce que dit le même Apôtre : « La plénitude de la loi, c’est, la charité[4]. ». Où est la charité, quelle chose peut manquer ? Mais où la charité manque, quelle chose peut être utile ? Le démon croit[5] et n’aime pas et personne ne peut aimer sans croire. Celui qui n’aime pas, peut, inutilement sans doute, espérer son pardon ; mais si l’on aime, on ne peut désespérer ; là où se trouve l’amour, là sont donc aussi et nécessairement la foi et l’espérance, et là où se trouve l’amour du prochain, là est aussi nécessairement l’amour de Dieu. Celui, en effet, qui n’aime pas Dieu, pourra-t-il aimer le prochain comme lui-même, puisqu’il ne s’aime pas lui-même ? Il est impie et méchant ; mais celui qui aime l’iniquité, n’aime pas son âme, il la déteste[6] Soyons donc fidèles au commandement que Dieu nous fait, de nous aimer les uns les autres ; et tout ce qu’il nous a commandé en surplus, nous l’accomplirons aussi, parce que cet amour renferme tout le reste. Cet amour est différent de celui que les hommes, en tant qu’hommes, ont les uns pour les autres ; et pour les faire discerner, Notre-Seigneur ajoute : « Comme je vous ai aimés ». Et pourquoi Jésus-Christ nous aime-t-il, sinon pour nous rendre capables de régner avec lui ? Il faut donc nous aimer les uns les autres en ce sens, afin que notre amour se distingue de l’amour de ceux qui ne s’aiment pas dans le même but, parce qu’ils ne s’aiment pas véritablement. Mais ceux qui s’aiment dans le dessein de posséder Dieu, s’aiment véritablement. Pour bien s’aimer, ils commencent par aimer Dieu. Cet amour ne se trouve pas dans tous les hommes ; il en est au contraire un bien petit nombre pour s’aimer dans le seul désir que Dieu soit tout en tous[7].

  1. Traité LXV
  2. Jn. 13, 34
  3. 1 Cor. 13, 13
  4. Rom. 13, 10
  5. Jac. 2,19
  6. Ps. 10, 6
  7. 1 Cor. 15, 28