Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/443

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

amants de cette invisible beauté, les amants de cette gloire, où nous rencontrons « Celui qui surpasse en beauté les enfants des hommes[1] », les amants de cette beauté, disons-nous, pourquoi ne craignent-ils point de prêcher sur les toits ce qu’ils ont entendu de leurs oreilles ? Cherche ce qui fait craindre à l’un d’être connu et châtié ; cherche aussi ce qui empêche l’autre de rien redouter. Le Seigneur a daigné nous le dire ensuite. Après ces mots : « Ce que je vous enseigne dans les ténèbres, dites-le à la lumière, et ce que je vous dis, prêchez-le sur les toits ; ne craignez pas », a-t-il ajouté, « ceux qui tuent le corps ». Afin d’oser dire en plein jour ce que vous avez entendu dans les ténèbres, et de prêcher sur les toits ce qu’ont entendu vos oreilles : « Gardez-vous de craindre ceux qui tuent le corps[2] ». L’adultère peut craindre ceux qui tuent le corps, car pour lui, perdre le corps c’est perdre le siège des voluptés. Il peut craindre la perte du corps, lui qui vit par le corps ; car c’est par le corps qu’il arrive à l’objet de ses convoitises ; aussi nul plaisir ne peut lui suffire ; il brûle de désirs, jusqu’à ce qu’il arrive aux immondes voluptés du corps. Mais toi, ô homme de Dieu ! si ton cœur a des yeux pour te montrer la gloire de la charité, la gloire de la piété ; si ton cœur a des yeux, vois comment tu pourras jouir de l’objet de ton amour. Pour en jouir, tu n’as nul besoin des membres du corps. Qu’il craigne la mort ce corps qui aime les sordides voluptés, mais « paix sur la terre aux hommes de bonne volonté[3] ».

6. Combien tu es loin de cet amour, ô chrétien ! Puisses-tu en venir à ce degré humain encore, de goûter le plaisir dans le bien, comme tu le goûtais auparavant dans le mal. Si le bien a pour toi des charmes, si la foi dans le Christ a des charmes, s’il y a des charmes pour toi à goûter sa sagesse dans la mesure de tes capacités, si tu trouves des charmes à écouter ses préceptes et à les accomplir, alors il est en toi déjà, ce degré humain, à cause de ton infirmité. Déjà tu commences à goûter le don d’en haut, sans égaler encore Quadratus. Mais, je l’ai dit, une fois arrivé là, continue, tu as encore du chemin à faire ; ne t’arrête point ; tu as beaucoup à travailler encore. Bannis toute crainte, et loin de toi de cacher par crainte tes bonnes œuvres. Ceux qui te blâment, qui te haïssent, que diront-ils ? Te voilà un grand Apôtre tes pieds sont suspendus au ciel. D’où viens-tu ? Et tu n’oserais répondre : de l’église, de peur qu’on n’ajoute : Un sage comme toi ne rougit pas d’aller avec les veuves et les vieilles femmes ? La peur de la raillerie t’empêche de dire : de viens de l’église. Comment supporter la persécution quand on redoute un sarcasme ? Et pourtant nous sommes en temps de paix ; et ce sont les persécuteurs qui doivent rougir. Ils rougissent, ces hommes sans nombre qui sont arrivés, et ils ne rougissent point les quelques-uns qui sont demeurés païens. Où sont arrivés les uns ? où sont demeurés les autres ? Les uns sont arrivés à la lumière de la paix, les autres sont demeurés dans les ténèbres de la confusion. Ne rougirez-vous donc point de rougir quand il faut vous glorifier ? Ils ne rougissent point de leur honte, et vous rougissez de votre gloire ? Où est donc cette parole que vous avez entendue : « Approchez-vous de lui, et soyez éclairés, et la honte ne couvrira point votre visage ?[4] »

7. Si je vous ai tenu ce langage, mes frères, c’est que je sais bien, et j’en suis attristé, que l’on redoute les langues de ces quelques païens, qui sont loin de sévir, qui ne peuvent qu’insulter, et que c’est là ce qui retient les cœurs de ceux qui voudraient croire, et les empêcher de céder aux exhortations des chrétiens. Bornons-nous ici ; que puis-je vous dire encore ? Tu vois qu’on harcèle ce païen, pour l’empêcher d’embrasser la foi chrétienne ; et toi, chrétien, tu gardes le silence et tu prends pour beaucoup d’être épargné, c’est-à-dire de n’être pas insulté ? Quand on détourne cet autre, tu dis en ton cœur : Grâces à Dieu 50##Rem On ne m’a rien dit. Tu fuis ; non ta chair, mais ton esprit ; tu es là, et tu n’en fuis pas moins. Tu crains que cette langue ne se tourne vers toi pour te maudire, et tu ne viens pas en aide à celui que tu dois gagner au Christ. Tu ne lui viens pas en aide, tu gardes le silence ; tu fuis, ai-je dit, non ta chair, mais ton esprit, tues un mercenaire, tu fuis à la vue du loup[5]. Que dirai-je de plus ? Nous venons de l’entendre tous. Que le Seigneur nous inspire de la crainte. Qu’on le craigne, celui qu’on doit aimer. « Quiconque », dit-il, « me confessera devant les hommes ». Et voyez, quand parlait-il

  1. Psa. 44, 3
  2. Mat. 10, 28
  3. Luc. 2, 14
  4. Psa. 33, 6
  5. Jn. 10, 12