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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/445

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c’est un grand don que la prophétie ou la foi. Que dire du reste ? S’il ne sert de rien à personne de posséder le don de prophétie, sans avoir aussi la charité ; si nul, même avec la foi, ne saurait sans la charité arriver au royaume de Dieu, que dirons-nous du reste ? Parler diverses langues, qu’est-ce que cela auprès de la prophétie et de la foi ? Qu’est-ce, auprès de la prophétie, que distribuer son bien aux pauvres et livrer son corps pour être brûlé ? Des téméraires, des hommes sans retenue, font souvent cela. Il y a donc là deux dons, et des plus grands, et il y aurait de quoi nous étonner si nous pouvions trouver un homme possédant le don de prophétie sans avoir la charité, ou bien ayant la foi sans avoir aussi la charité.

2. Pour la prophétie, nous en trouvons un exemple dans le livre des Rois [1] : Saül persécutant David qui était saint. Or, dans ces poursuites, il envoya des gardes pour le prendre et le faire mourir ; et ces gardes envoyés pour amener David au supplice, le trouvèrent parmi les Prophètes, avec qui était aussi Samuel, ce saint enfant d’Anne, autrefois stérile, qui avait demandé au Seigneur d’être mère, qui l’avait reçu du Seigneur, et l’avait consacré au Seigneur dès sa naissance. Samuel était donc là en même temps que David, Samuel, ce Prophète par excellence et qui donna à David l’onction royale. Ainsi lorsque David était poursuivi par Saül, il chercha un asile auprès de Samuel, comme ferait aujourd’hui un homme poursuivi au-dehors, et qui chercherait un refuge dans l’église. David était donc venu auprès de Samuel, et cet éminent Prophète n’était point seul, mais beaucoup d’autres Prophètes étaient auprès de lui. Ce fut donc au milieu d’eux, quand ils prophétisaient, que vinrent les envoyés de Saül pour prendre David et le mener au supplice. L’Esprit de Dieu les saisit, et voilà qu’ils commencèrent à prophétiser, eux qui venaient ravir par le glaive, et emmener du milieu des Prophètes le juste, le saint de Dieu. Les voilà tout à coup plein de l’esprit de Dieu, et devenus Prophètes. Peut-être ceux-ci étaient-ils innocents, puisqu’ils n’étaient point venus d’eux-mêmes pour prendre David, mais sur un ordre du roi. Peut-être venaient-ils, à la vérité, où était David, mais sans le dessein d’exécuter les ordres de Saül. Peut-être devaient-ils demeurer en ce lieu. Car tout cela arrive encore aujourd’hui. Le pouvoir suprême envoie un héraut enlever un homme de l’église. Cet envoyé n’ose agir contre Dieu, et pour ne pas encourir la peine du glaive, demeure dans cette église, où il a été envoyé. Quelqu’un dira dans son étonnement que ces envoyés sont tout à coup devenus Prophètes, parce qu’ils étaient innocents, et que cette innocence est prouvée par la prophétie elle-même. Ils sont venus sur l’ordre qui leur a été donné, mais ils n’eussent pas exécuté l’ordre injuste. Croyons-le de ceux-ci. D’autres sont envoyés, et voilà que l’esprit de Dieu s’en empare, et ils prophétisent à leur tour. Accordons encore à ceux-ci l’innocence comme aux premiers. D’autres sont envoyés en troisième lieu, et il en fut de même. Tous étaient innocents. Comme ils tardaient à venir, et que l’ordre de Saül ne s’accomplissait point, il vint lui-même. Était-il innocent, lui aussi ? Était-il envoyé à son tour par quelque puissance d’en haut, et n’obéissait-il point à sa coupable volonté ? Et néanmoins il fut à son tour saisi de l’esprit de Dieu et se mit à prophétiser. Voilà donc Saül qui a le don de prophétie, mais qui n’a pas la charité. Il a été un instrument qu’a touché l’Esprit-Saint, mais sans le purifier.

3. Car l’Esprit-Saint touche en effet, par le don de prophétie, certains cœurs qu’il ne purifie point. Mais les toucher sans les purifier, n’est-ce point pour l’Esprit-Saint se souiller à son tour ? Il est de la substance divine de toucher à tout sans contracter aucune souillure. Et ne soyez point étonnés que cette lumière qui nous vient du ciel touche à toutes les immondices répandues çà et là, sans en être obscurcie le moins du monde. Or, il n’en est pas seulement ainsi de la lumière qui nous vient du ciel, mais de la lumière qui vient d’une lampe : quiconque porte cette lumière, passera parfois dans un cloaque et en sera maculé ; mais la lumière de cette lampe qu’il porte passera sur toutes sortes d’objets sans contracter la moindre souillure. Or, si Dieu a pu donner un tel privilège à des corps lumineux, lui qui est la lumière véritable, éternelle, inaltérable, pourra-t-il être maculé quelque part ? ou bien la lumière de Dieu peut-elle faire défaut quelque part, quand il est dit d’elle, « qu’elle atteint d’une extrémité à l’autre avec force, et dispose

  1. Reg. XIX##Rem