Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/468

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plus ? Là ne se borne point son espérance. Il aspire à donner des épouses à ses fils ; il l’espère encore. A-t-il atteint ce but, qu’il désire des petits-fils. Quand il en a, quand il est à sa troisième génération, le voilà vieillard, mais cédant à regret sa place à ses petits-fils. Il cherche encore ce qu’il pourrait désirer, ce qu’il pourrait espérer, et il se drape de bienveillance. Puisse, dit-il, cet enfant m’appeler grand-père ; puissé-je entendre ce mot de sa bouche et mourir ! L’enfant grandit, l’appelle grand-père ; mais celui-ci ne se regarde point encore comme aïeul. Car s’il est aïeul, s’il est vieillard, pourquoi ne point reconnaître qu’il doit s’en aller et faire place aux autres ? Mais quand il entend ce nom d’honneur dans la bouche d’un enfant, cet enfant, il veut l’instruire. Et pourquoi se refuserait-il l’espérance d’un arrière-petit-fils ? C’est ainsi qu’il meurt, tout en espérant ; qu’il espère tantôt une chose, tantôt une autre chose, quand il a obtenu ce qu’il espérait. Mais voir une espérance réalisée ne le satisfait point, il se jette dans une autre. Pourquoi cette espérance vient-elle à se réaliser ? Assurément, c’est pour mettre un terme à ton voyage ; car ce terme n’est pas reculé. Et combien sont dupes de cette espérance, espérance usée ? D’abord elle ne satisfait point, quand elle se réalise, et combien n’arrivent pas à la réalité ! Combien ont espéré le mariage, sans y arriver ? Combien l’ont espéré, avec celles qu’ils aimaient, ont réussi, pour n’aboutir qu’à des tourments ! Combien ont désiré des enfants sans pouvoir en obtenir ! Combien ont dû gémir de ceux qu’ils avaient obtenus ! Ainsi du reste. Tel désire les richesses, ne les a-t-il point, que le désir le dévore ; les a-t-il, qu’il est torturé par la crainte. Il n’est personne qui cesse d’espérer, personne qui soit rassasié. Les dupes sont en si grand nombre, et toutefois nul n’abandonne ses espérances mondaines.

3. Qu’elle se réalise un jour cette espérance qui n’est point trompeuse, mais qui rassasie, qui nous donnera ce bien qu’on ne saurait dépasser. Quel est donc cet objet de notre espérance, dont la réalisation mettra fin à toute espérance ? Quel est cet objet ? La terre ? Non. Quelque chose qui naît sur la terre, comme l’or, l’argent, un arbre, des moissons, des fleuves ? Rien de tout cela. Quelque chose qui vole dans les airs ? Mon âme l’a en horreur. Serait-ce le ciel, si beau, si étincelant de lumière ? Quoi de plus beau parmi les choses visibles, quoi de plus séduisant ? Ce n’est point cela non plus. Qu’est-ce donc ? Tout cela est beau, est délicieux, plein de charmes. Cherche celui qui a fait tout cela. C’est lui, ton espérance. Il est ici-bas ton espérance, avant d’être plus tard ton bien. L’espérance pour la foi, la réalité pour la vision. Dis-lui : « Vous êtes mon espérance ». Oui, tu as raison de dire ici-bas : « Vous êtes mon espérance ». Car tu crois, tu ne vois pas encore. Tu as la promesse, non la réalité. Tant que tu es dans ce corps, tu es éloigné de Dieu, tu es en chemin, non dans la patrie. C’est Dieu qui te dirige ; celui qui a fait la patrie s’est fait aussi la voie pour t’y conduire. Dis-lui donc maintenant : « Vous êtes mon espérance ». Que sera-t-il ensuite ? « Ma portion dans la terre des vivants[1] ». Celui-là qui est maintenant ton espérance, sera plus tard ta portion. Qu’il soit ton espérance sur la terre des mourants, et il sera ta portion sur la terre des vivants. Tournons-nous vers le Seigneur, etc.

  1. Psa. 113, 6