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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/481

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et dès lors il sera loin de nous suffire pour tous. Le Sauveur lui-même veut bien nous montrer que, dans le Prophète Jonas qui fut jeté dans la mer, qu’un monstre marin reçut dans ses entrailles et vomit le troisième jour, il y avait une figure du Sauveur, qui souffrit et qui ressuscita le troisième jour. Le Seigneur accusait les Juifs en les comparant aux Ninivites, car ces Ninivites auxquels Jonas fut envoyé pour les réprimander, apaisèrent la colère de Dieu par la pénitence et méritèrent qu’il les prit en pitié. « Or », dit le Sauveur, « il y a ici plus que Jonas[1] », voulant nous faire comprendre que c’est lui, le Christ et le Seigneur. Les Ninivites écoutèrent le serviteur et redressèrent leurs voies ; tandis que les Juifs entendirent le Maître, et non-seulement ils ne redressèrent point leurs voies, mais ils le mirent à mort. « La reine du Midi s’élèvera au jugement contre cette génération, pour la condamner », dit le Sauveur. « Car elle vint des confins de la terre, pour entendre la sagesse de Salomon, et il y a ici plus que Salomon[2] ». Ce n’était point s’élever pour le Christ, que se mettre au-dessus de Jonas, au-dessus de Salomon ; car il était le maître, tandis que ceux-ci n’étaient que les serviteurs. Et toutefois, quels sont ces hommes qui ont méprisé le Seigneur présent sous leurs yeux, quand des étrangers ont obéi à ses serviteurs !

2. Nous lisons ensuite : « Quand l’esprit immonde sort d’un homme, il erre dans les lieux arides, cherchant le repos, et il ne le trouve pas ; et il dit : Je reviendrai dans ma maison d’où je suis sorti ; et, revenant, il la trouve vide, nettoyée et ornée. Alors il va et prend avec lui sept autres esprits plus méchants que lui, et entrant, ils y habitent, et le dernier état de cet homme devient pire que le premier, et ainsi en sera-t-il de cette génération criminelle[3] ». Il nous faudrait un long discours pour exposer ce passage convenablement. Nous en dirons néanmoins quelques mots avec le secours de Dieu, afin de ne point vous laisser sans quelque idée de ces paroles. Quand on nous remet nos péchés par les sacrements, on nettoie la maison ; mais il est nécessaire que le Saint-Esprit la vienne habiter. Or, le Saint-Esprit n’habite que chez les humbles de cœur. Car le Seigneur a dit : « En qui repose mon Esprit ? » Et il fait cette réponse : « Sur l’homme humble, sur l’homme calme, sur l’homme qui redoute ma parole [4]». Que l’Esprit-Saint habite en nous, en effet, et alors il nous absorbe, nous redresse, nous conduit, nous arrête dans le mal, nous excite au bien, nous fait goûter les charmes de la justice à ce point que l’homme fait le bien par amour pour le bien et non par la crainte du châtiment. Or, agir ainsi par lui-même, l’homme ne le trouve point dans sa nature ; mais que le Saint-Esprit habite en lui, il l’aide à faire toutes sortes de bien. Que l’orgueilleux, au contraire, après la rémission de ses péchés, compte pour faire le bien sur l’unique impulsion de sa bonne volonté, son orgueil éloigne de lui l’Esprit-Saint, et alors il est une demeure purifiée des péchés, mais vide de tout bien. Tes péchés te sont remis, il n’y a plus aucun mal en toi, mais il n’y a que le Saint-Esprit seul qui te puisse remplir de biens ; et ton orgueil l’éloigne de toi, ta présomption le force à t’abandonner. Ta confiance en toi te livre à toi-même. Mais cette convoitise qui te rendait mauvais et que tu as expulsée de toi-même ou de ton âme, lorsque tes péchés ont été remis, erre dans les lieux arides, cherchant le repos et ne le trouvant point, cette convoitise revient à la maison, qu’elle trouve nettoyée, « elle amène avec elle sept autres esprits plus méchants qu’elle-même, et le dernier état de cet homme devient pire que le premier ». « Elle amène sept autres esprits avec elle ». Que signifient ces « sept autres ? » L’esprit immonde est-il septénaire à son tour ? Qu’est-ce que cela signifie ? Le nombre sept exprime l’universalité : il était parti entièrement, il est entièrement revenu, et plût à Dieu qu’il pût revenir seul ! Qu’est-ce à dire, qu’ « il amène avec lui sept autres esprits ? » C’est-à-dire des esprits que le méchant n’avait point dans ses désordres, et qu’il aura, quand il ne sera bon qu’en apparence. Prêtez-moi toute votre attention, dont j’ai besoin pour vous expliquer ma pensée autant que je le puis avec le secours de Dieu. Il y a sept actes du Saint-Esprit tel qu’on nous le prêche ; il est pour nous « l’Esprit de sagesse et d’intelligence, de conseil et de force, de science, de piété et de crainte de Dieu[5] ». Or, à ce nombre septénaire du bien, opposez sept actes mauvais : l’esprit de folie et d’erreur, l’esprit de témérité et de lâcheté, l’esprit

  1. Mat. 12, 41
  2. Id. 42
  3. Id. 43-45
  4. Isa. 66, 2
  5. Id. 11, 2,3