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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/533

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marche, avec le secours d’en haut, ne point se ressentir de l’un de ces trois défauts ! Puisse-t-elle ne point s’en trouver paralysée ! Quand deux hommes marchent, l’un va plus lentement et l’autre plus vite ; mais enfin, ils marchent tous les deux. Aussi faut-il exciter ceux qui restent en place, rappeler ceux qui retournent en arrière, ramener dans le bon chemin ceux qui l’ont perdu, ranimer ceux qui ne marchent pas assez vite, imiter les voyageurs agiles. Quiconque ne fait pas de progrès, s’arrête en route ; il retourne en arrière l’homme qui, négligeant d’accomplir ses bonnes résolutions, retombe dans les défauts dont il s’était précédemment débarrassé ; enfin, on s’éloigne de la bonne voie dès qu’on s’écarte des vraies croyances.
3. Qui est-ce qui ne fait pas de progrès ? Celui qui se croit sage et dit : « Ce que je suis me suffit » ; celui qui ne fait pas attention à ces paroles de l’Apôtre : « Oubliant ce qui est derrière moi, et m’avançant vers ce qui est devant moi, je m’efforce d’atteindre le but, pour remporter le prix auquel Dieu m’a appelé d’en haut par Jésus-Christ[1] ». À l’entendre, Paul courait, il suivait son chemin, sans s’arrêter, sans regarder derrière lui. Oh ! qu’il était loin de s’être trompé de route ! N’indiquait-il pas, en effet, par ses leçons, la véritable voie ? N’y marchait-il pas ? Ne la montrait-il point par son exemple ? Pour imprimer à notre course la rapidité de la sienne, il nous dit : « Imitez-moi comme j’imite Jésus-Christ[2] ». Nous supposons donc, nos très-chers frères, que nous suivons avec vous le même chemin. Si nous sommes lents à marcher, précédez-nous, nous n’en serons nullement jaloux ; car nous cherchons qui nous pourrons suivre ; mais si, à votre avis, notre course vers le but est rapide, courez avec nous. Le terme que nous avons hâte d’atteindre est le même pour nous tous, et pour ceux dont le pas est plus preste, et pour ceux dont la démarche est plus lente. L’Apôtre lui-même en convient : « Je n’ai qu’un but », dit-il ; « oubliant ce qui est derrière moi, et m’avançant vers ce qui est devant moi, je m’efforce de l’atteindre pour remporter le prix auquel Dieu m’a appelé d’en haut par Jésus-Christ ». Voici dans quel ordre doivent se trouver ces paroles : Il n’y a qu’un but, je ne poursuis que celui-là. Avant de s’exprimer ainsi, qu’avait-il dit « Moi, je ne pense pas être encore arrivé au but[3] ». Cet apôtre ne reste pas en place, et pourtant, il reconnaît n’être pas encore parvenu au but ; il ne voyage point en pays étranger, il ne s’est pas écarté de sa route, il se réjouira au sein de la patrie. « Moi », dit-il ; qui, moi ? Moi, « qui ai travaillé plus que tous les autres ». Après avoir dit : « J’ai travaillé plus que tous les autres », il n’ajoute pas : « Moi, je ne pense pas être encore arrivé au but » ; mais il place à propos le mot « moi », quand il s’agit de s’humilier et non de se flatter. « Moi », dit-il, en ce qui me concerne, « je ne pense pas être encore arrivé « au but ». À la suite de ces paroles : « J’ai travaillé plus que les autres », viennent celles-ci : « Mais ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi[4] ». La grâce de Dieu n’a-t-elle pas atteint le but ? Paul a donc raison de dire ici : « Moi », car le propre de notre faiblesse est de ne pas atteindre le but ; mais y parvenir, c’est l’effet de la grâce divine qui nous aide, et non celui de l’infirmité humaine.
4. Nous n’avons rien en propre que le péché ; impossible de trouver autre chose en nous ; voilà une vérité incontestable, hors de doute ; mais qui nous en montrera, qui nous en enseignera et nous en fera clairement voir l’évidence ? Il est une chose que notre piété doit savoir, que notre faiblesse doit avouer, que notre charité doit chercher à faire disparaître, « c’est que je n’ai pas encore atteint le but et que je ne suis point encore parvenu à la perfection ». À cela l’Apôtre ajoute : « Je ne pense pas être encore arrivé au but ». Pour nous exciter à marcher vite et à nous avancer vers ce qui est devant nous, il nous dit : « Que ceux d’entre nous qui sont parfaits, le comprennent ». D’abord il avait dit : « Non que j’aie encore atteint le but et que je sois déjà parfait » ; puis il ajoute : « Que ceux d’entre nous qui sont parfaits, le comprennent[5]». Il y a donc perfection et perfection, et il y a un voyageur parfait. Avant d’être arrivé au terme final, on est un voyageur parfait quand on marche devant soi, quand on ne s’arrête pas, quand, enfin, on suit la bonne voie ; mais quoi qu’on fasse, on n’est point encore arrivé au but, puisqu’on voyage encore. Il faut bien le reconnaître,

  1. Phi. 3, 13-14
  2. 1Co. 4, 16
  3. Phi. 3, 13
  4. 1Co. 15, 10
  5. Phil. 3, 15