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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/539

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qu’aurait-il gagné ? Aurait-ce été pour lui un titre pour s’asseoir à l’heure du jugement à la droite du Père ? Aurait-il été en droit de venir alors juger les vivants et les morts ? Mais que dit-il ? « Il faut qu’il croisse, et moi, que je diminue[1] ». « Celui qui vient après moi a été fait avant moi[2] ». « Je ne suis pas digne de délier les cordons de ses souliers[3] ». Profonde humilité ! Ah, voilà bien le digne ami de l’Époux ! Ne devait-il pas effectivement se déclarer l’ami de l’Époux ? À l’entendre parler, un imprudent supposera peut-être qu’ici ami veut dire égal ; mais non : car Jean ne se dit l’ami de l’Époux qu’en raison de son affection pour lui, et la crainte le porte à se prosterner à ses pieds.
7. 2 nous est facile de voir, dans la différence de leur dernier supplice, le sens de ces paroles : « Il faut qu’il croisse, et moi, que je diminue ». Nous lisons que Jean a souffert, qu’il a enduré le martyre pour soutenir la vérité, et non à cause du Christ. Non, il n’est pas mort à cause du Christ ; non, il n’a point subi la peine de la décollation, pour avoir confessé le nom du Sauveur ou s’être refusé à le renier : s’il a terminé sa vie au milieu des souffrances, c’est qu’il a rappelé Hérode au respect de la tempérance et de la justice ; c’est qu’il a dit à ce prince : « Il ne t’est point a permis d’épouser la femme de ton frère[4][5] ». Bien qu’il ne soit pas mort à cause du Christ, il a cependant perdu la vie pour soutenir la vérité de la loi, parce que la vérité n’est autre que le Christ. Voici donc le langage tenu par les deux genres de mort qu’ont subis Jésus et le Précurseur : « Il faut qu’il croisse, et moi, que je diminue (2) ». L’un à été élevé sur la croix, l’autre a eu la tête coupée. Celui-ci a été raccourci par le glaive, celui-là s’est allongé sur le bois de la croix : voilà ce que disent leurs morts différentes. Nous trouvons dans les jours eux-mêmes l’explication du mystère qui nous occupe ; car les jours grandissent au moment de la naissance de Jésus, et ils diminuent à la nativité de Jean. Que la gloire de l’homme diminue donc, et que celle de Dieu s’accroisse, afin que la gloire de l’homme tourne à celle de Dieu.

CINQUIÈME SERMON. POUR LA NAISSANCE DE JEAN-BAPTISTE.

ANALYSE. —1. Jean, voix du Seigneur dans le désert. —2. Voix qui prêche vigoureusement la préparation des sentiers de Dieu. —3. Condamné au mutisme en raison de son incrédulité, Zacharie recouvre l’usage de la parole à la naissance de la voix. —4. Mystère de la synagogue et de l’Église.
1. « Voix du Seigneur pleine de force, voix du Seigneur pleine de gloire[6] ». La voix du Seigneur, qui brise les cèdres de la sagesse humaine, s’est échappée des entrailles rétrécies d’une vieille femme, d’un sein brûlé par le mal de la stérilité : elle a retenti aujourd’hui dans le désert, pour vibrer avec force jusque dans les âges les plus reculés ; aussi, le monde atteint de surdité, et la terre gangrenée parla corruption, ont-ils entendu ses sons harmonieux ; aussi se sont-ils laissés éveiller par ses échos puissants. Cette voix n’est autre que Jean, dont le Prophète a dit par avance : « C’est la voix de celui qui crie dans le désert[7] ». Oh ! quel immense désert que ce monde ! Pour ceux qui le parcourent, quelle solitude partout semée de dangers effrayants ! En effet, la terre des Hébreux, nul patriarche, aucun Prophète ne la foulait plus aux pieds. Le Juif, tout prêt à faire le mal, se tenait en

  1. Jn. 3, 30
  2. Id. 1, 15
  3. Luc. 3, 16
  4. Mrc. 6, 18
  5. Jn. 3, 30
  6. Psa. 28, 4
  7. Isa. 40, 3