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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/541

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déliait. O l’admirable changement des choses et de la nature ! Un reste de chaleur ranime des entrailles que l’âge avait déjà privées de la vie : ici une langue se dessèche, là, une voix est engendrée. À peine cette voix engendrée vient-elle au monde, que se brisent les liens qui retenaient la langue captive.
4. Revenons à notre mystère. Dans les premiers temps, l’Église était donc stérile, puisque c’est d’elle qu’il est écrit : « Réjouis-toi, stérile qui n’enfantes pas. Chante des cantiques de louanges, jette des cris de joie, toi qui n’avais pas d’enfants : l’épouse abandonnée est devenue plus féconde que celle qui a un époux[1] ». Remplie du don divin, elle a enfanté l’Esprit du salut, car il est dit dans nos saints Livres : « Parce que nous avons craint, nous avons conçu et enfanté l’Esprit du salut[2] ». Alors, la langue qui avait engendré se tut, c’est-à-dire, le langage prophétique de la synagogue cessa de se faire entendre. C’est pourquoi le Juif, que l’incrédulité avait rendu muet, a donné naissance à une voix qui conduit au Verbe ; ainsi peut reconnaître, dans son fruit, la vraie foi, celui qui s’est refusé à reconnaître la promesse, à lui faite, du Dieu Sauveur. Qu’à partir de là les jours deviennent plus courts et les nuits plus grandes. Que Dieu s’humilie en s’incarnant, et que, du haut de sa croix, il reçoive dans ses bras les Juifs aveugles. Il est nécessaire que le jour reparaisse et s’épanouisse de nouveau à la lumière, et que la nuit vaincue reste plongée dans ses ténèbres.

SIXIÈME SERMON. POUR LA NATIVITÉ DE SAINT JEAN-BAPTISTE : 3

ANALYSE. —1. Pourquoi ne célèbre-t-on pas la naissance des Patriarches et des Prophètes ? —2. Jean, que les chrétiens honorent, est la fin de l’ancienne loi et le commencement de la loi nouvelle. —3. Le peuple des Gentils est un désert où les saints ont fleuri, pareils à des lis. —4. L’Église a commencé par la parole de Dieu placée dans la bouche de Jean, le prédicateur de la pénitence. —5. Exhortation pour faire embrasser la pratique de la pénitence.
1. L’Église du Christ entoure d’une sainte vénération la mémoire des Patriarches, des Prophètes, et, en général, de tous les saints qui ont vécu sous l’ancienne loi : il convient donc, mes bien-aimés, que vous sachiez pourquoi le peuple chrétien ne célèbre que la fête d’un seul prophète, de Jean-Baptiste. En effet, n’est-il pas évident que beaucoup de prophètes ont souffert et subi le dernier supplice pour la gloire du nom de Dieu ? Le Sauveur lui-même, parlant par l’organe d’Étienne, n’a-t-il pas adressé aux Juifs ce sanglant reproche : « Où est le prophète que n’ont point persécuté vos pères ?[3] » Nous l’avouons donc : du temps de l’ancienne loi, les saints de Dieu ont aussi enduré la persécution et le martyre ; pourquoi, alors, l’Église du Christ ne solennise-t-elle pas le jour où sont nés des hommes dont elle reconnaît et admire les suprêmes souffrances ? En voici le motif, mes très-chers frères : les peuples persécuteurs n’ont pas voulu vouer au culte et au souvenir de la postérité les jours où ils ont torturé et fait mourir les Prophètes, parce qu’ils craignaient de perpétuer, parmi les personnes religieuses, le mépris et l’horreur de leur propre crime, en même temps que le respect pour la courageuse conduite des saints : en oblitérant les jours illustrés par les martyrs ;

  1. Isa. 54, 1
  2. Isa. 26, 18
  3. Act. 7, 52