Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/546

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la moindre discussion, et sa foi lui a obtenu une grâce tellement privilégiée, qu’il a marché même sur les eaux pour suivre son Sauveur. Aurait-il jamais pu fouler à ses pieds l’élément liquide, s’il avait traîné derrière lui sa raison humaine ? Aurait-il pu appuyer solidement ses pieds sur les ondes fugitives de la mer, s’il n’avait pas cru à la parole du Seigneur ? Au lieu de discuter, il a cru ; c’est pourquoi lui ont été révélés les impénétrables secrets de Dieu. Le Seigneur a dévoilé aux yeux de ses disciples les ineffables mystères de la foi ; c’est pourquoi il leur a fait sentir l’odorante suavité de sa connaissance. Il s’est fait connaître à des pêcheurs, afin qu’ils pussent prendre l’univers entier dans les filets de l’Évangile. Et voilà que les pêcheurs prêchent partout la sagesse, tandis que des grammairiens et des orateurs, devenus disciples de l’erreur, se font les prédicateurs de la sottise. Mes frères, cherchons Dieu dans la simplicité de notre cœur, et croyons à son avènement comme s’il devait avoir lieu d’un moment à l’autre ; par là, nous nous corrigerons de nos vices, nous laisserons de côté les vaines espérances de ce monde, et nous mériterons de parvenir à la couronne de la destinée céleste.
2. Nous célébrons donc la naissance du premier et du dernier des saints Apôtres. Vous avez, j’en suis sûr, compris ce que je viens de dire ; mais parce que vous l’avez compris, est-ce pour nous un motif de nous taire ? S vous faites en ce jour votre devoir, avons-nous le droit de demeurer inoccupés ? Vous avez fait une profession solennelle, nous devons donc vous adresser un discours quelconque, afin que nous acquittions tous, publiquement, notre dette de dévotion. Pierre est donc le premier des Apôtres, et Paul en est le dernier. Le Dieu qui les a sanctifiés tous deux en les appelant, les a, de même, couronnés après leur martyre ; car il est le premier et le dernier[1]. Il est le premier, puisque rien n’existait avant lui, et comme rien n’existera après lui, il est le dernier ; personne avant lui, personne après lui, car il n’a ni commencement ni fin : voilà pourquoi celui qui, en raison de sa perpétuelle éternité, s’est déclaré le premier et le dernier, a couronné également et le premier et le dernier de ses Apôtres. Leur vie respire la charité, et leur mort imprime à cette solennité le sceau de la consécration. Un même jour a vu leur couronnement, dans une même cité retentissent leurs louanges. Sur la terre, leurs corps ne se trouvent point séparés, et leurs mérites sont égaux dans le ciel. Au cours de leur vie, pendant les jours de leur vie mortelle, leur parole a fondé l’Église ; ils en ont arrosé les racines avec leur sang, en mourant pour le Christ, et maintenant qu’ils prient pour nous dans le ciel, ils viennent à notre aide par leurs mérites. Ils se sont rencontrés à point le même jour pour évangéliser ensemble la même ville, et partager aussi ensemble le sort que leur avait préparé une charité mutuelle. Évidemment, nous gardons à cet égard les données de la tradition. Le bienheureux Pierre a souffert le premier d’après l’ordre de sa vocation, il devait marcher le premier même pour mourir ; ensuite devait venir le bienheureux Paul ; c’était le dernier des Apôtres, mais aussi c’était le docteur des nations. Paul était donc petit on eût dit la frange du vêtement du Sauveur, mais frange qu’il suffisait de toucher pour être guéri.
3. Ils choisirent tous deux, pour résidence, la ville de Rome, la capitale du nom romain ; Pierre, pour y exercer la primauté apostolique ; Paul, pour y remplir l’office de docteur des nations : ils n’y établirent que leurs corps ; pour leurs mérites, ils les répandirent de toutes parts, comme nous l’avons chanté tout à l’heure : « L’éclat de leur voix s’est répandu dans tout l’univers[2] ». Partout où ils n’ont point corporellement pénétré pendant leur vie, ils y sont allés après leur mort par leurs lettres ; de ces écrits nous viennent tous les jours leurs paroles, et ces paroles instruisent les chrétiens et réfutent les ennemis de leur foi. Il a été impossible à tous les pays de la terre de jouir de leur présence, mais, à cause de cela précisément, nous possédons leurs discours. On devait nécessairement ne trouver leurs corps qu’en un seul endroit, mais partout leur puissance s’exerce au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dieu, qui vit et règne avec le Père, dans l’unité du Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit il.

  1. Apo. 21, 16
  2. Psa. 18, 3