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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/551

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de larmes est plus efficace que celle de paroles, parce qu’en faisant une prière verbale, on peut se tromper, tandis que jamais on ne se trompe en pleurant. À parler, en effet, il nous est parfois impossible de tout dire, mais toujours nous témoignons entièrement de nos affections par nos pleurs. Aussi Pierre ne fait-il plus usage de sa langue, qui avait proféré le mensonge, qui lui avait fait commettre le péché et perdre la foi ; il a peur qu’on ne croie pas à la profession de foi sortie d’une bouche qui a renié son Dieu : de là sa volonté bien arrêtée de pleurer sa faute, plutôt que d’en faire l’aveu, et de confesser par ses larmes ce que sa langue avait déclaré ne pas connaître. Si je ne me trompe, voici encore pour Pierre un autre motif de garder le silence : demander son pardon sitôt après sa faute, n’était-ce pas une impudence plus capable d’offenser Dieu, que de l’amener à se montrer indulgent ? Celui – qui rougit en sollicitant son pardon, n’obtient-il pas ordinairement plus vite la grâce qu’il demande ? Donc, en tout état de faute, mieux vaut pleurer d’abord, puis prier. Nous apprenons ainsi, par cet exemple, à porter remède à nos péchés, et il s’ensuit que si l’Apôtre ne nous a pas fait de mal en reniant son Naître, il nous a fait le plus grand bien par la manière dont il a fait pénitence de son péché.
4. Enfin, imitons-le relativement à ce qu’il a dit en une autre occasion. Le Sauveur lui avait, trois fois de suite, adressé cette question : « Simon, m’aimes-tu[1] ? » et, chaque fois, il avait répondu : « Seigneur, vous le savez, je vous aime. Et le Seigneur lui dit : « Pais mes brebis[2] ». La demande et la réponse ont eu lieu trois fois pour réparer le précédent égarement de Pierre. Celui qui, à l’égard de Jésus, avait proféré un triple reniement, prononce maintenant une triple confession, et autant de fois sa faiblesse l’avait entraîné au mal, autant de fois, par ses protestations d’amour, il obtient la grâce du pardon. Voyez donc combien il a été utile à Pierre de verser des larmes : avant de pleurer, il est tombé ; après avoir pleuré, il s’est relevé : avant de pleurer, il est devenu prévaricateur ; après avoir pleuré, il a été choisi comme pasteur du troupeau, il a reçu le pouvoir de gouverner les autres, bien qu’il n’ait pas su, d’abord, se diriger lui-même. Telle fut la grâce que lui accorda Celui qui, avec Dieu le Père et le Saint-Esprit, vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

DOUZIÈME SERMON. POUR LA FÊTE DES MARTYRS MACHABÉES.

ANALYSE. —1. Ceux que la nature n’a pu mettre au monde en même temps, la foi les a engendrés le même jour pour le ciel. —2. Boudeur de la mère des Machabées. —3. Sa force d’âme dépeinte dans les paroles qu’elle adressa à ses enfants.—4. et plus encore, dans l’offrande qu’elle fit du dernier d’entre eux. —5. Conclusion.
1. Frères bien-aimés, si nous voulions faire l’éloge de chacun de ces sept frères, de ces saints et bienheureux enfants qui ont souffert le martyre en un même jour avec leur glorieuse mère, nous ne finirions pas de parler, et vous vous fatigueriez à nous entendre. Je dirai plus, mes frères,-lors même que votre avidité pour la parole de Dieu vous donnerait la force de toujours nous écouter, notre faiblesse succomberait nécessairement à la tâche. Comment, en effet, mes bien-aimés, louer d’une manière digne d’eux ces martyrs, que le même jour n’a pas vus naître, mais auxquels leur confession a mérité, le même jour, la couronne éternelle ? Comment parler d’eux convenablement ? La sainte profession

  1. Jn. 21, 13
  2. Id. 1